et de ne pas souffrir qu’on les néglige ou les oublie, il n’en reste pas moins qu’ils ne sont qu’une part, la plus remuante et la plus bruyante, mais une assez petite part du peuple français et des autres peuples. Ils n’ont pas même le nombre, mais l’eussent ils, et eussent-ils d’ailleurs toute sorte de qualités, qu’ici, nous voulons dire : en cette matière, il leur manquerait la seule qualité qui vaille, la compétence. Un bon traité de paix ne se fait pas d’instinct, avec du sentiment. A coup sûr, dans le monde contemporain, ce serait être médiocrement et incomplètement réaliste, que de ne compter pour rien ces grandes forces idéales, la liberté, le droit, la justice, qui sont de très grandes réalités ; mais ce ne sont pas les seules : les nécessités géographiques, historiques, économiques et stratégiques sont aussi des réalités, qu’on ne supprime pas parce qu’on les ignore.
Prenons garde de faire le jeu de l’Allemagne. S’il y a, au milieu de tant d’obscurités, une certitude, c’est que l’Empire allemand aspire de tout son être, tend de tous ses organes à la paix ; et c’est que l’Autriche-Hongrie en est encore plus affamée que l’Allemagne même. La démission, vingt fois annoncée, du comte Tisza, et qui cette fois est présentée comme officielle, pourrait avoir pour cause profonde ce besoin urgent de la paix, bien plus qu’une querelle sur une question intérieure, fût-ce une aussi grosse question que la réforme électorale. Les allées et venues du Chancelier à Vienne, du comte Czernin à Berlin et au grand quartier général, les indiscrétions qu’on tolère, quand on ne les provoque ou ne les commet pas, sur « le dissentiment » qui se serait élevé à ce sujet entre les deux Puissances, le soin qu’on prend ensuite de démentir, de dire qu’on est absolument d’accord et que, du reste, dans ces entretiens amicaux, on ne s’est jamais occupé que de la Pologne ; ces démarches, ces confidences, ces demi-secrets, ces révélations sont des feintes par lesquelles il n’est pas permis de se laisser tromper. Le discours hermétique de M. de Bethmann-Hollweg, parlant au Reichstag pour ne rien lui dire, pris qu’il était entre les feux croisés de ses adversaires de gauche et de ses adversaires de droite, discours si équivoque que, depuis la consultation de Panurge sur le mariage, on n’en avait pas entendu d’homme plus embarrassé, ce discours tout en silence est un aveu criant.
Vainement le docteur Roesicke apostrophe M. Scheidemann, et vainement le comte Reventlow ou le baron Gebsattel se déchaînent contre le Chancelier. Vainement aussi, et plus vainement encore, on invoque « la paix Hindenburg, » puisque maintenant Hindenburg est le dieu de la paix comme de la guerre. Ce serait si peu de chose