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réalité que le développement d’un même succès. Ce qui s’est accompli le 21 mai sur les pentes du Mont Cornillet se relie intimement à ce qui s’y était fait il y a un mois, et en dépend étroitement ; de telle sorte qu’on ne saurait opposer l’une à l’autre deux périodes, deux méthodes ni deux fortunes. Sous les changemens de personnes, subsiste et s’affirme, en sa permanence, l’unité dépensée et d’action ; nous pouvons saluer avec espoir le général Pétain qui reçoit le commandement, mais après avoir salué avec reconnaissance le général Nivelle qui le lui remet, et ceux de ses collaborateurs à qui ce ne serait pas rendre justice que de ne pas rendre hommage ; or, on ne leur doit peut-être que la justice, mais on la leur doit.

Pour ne parler que de l’attaque du 16 avril, que des bavardages inconsidérés ou perfides ont réussi comme à envelopper d’une légende mauvaise, et d’une seule armée, dont les mêmes faux bruits ont d’ailleurs démesurément enflé les pertes, malgré l’extrême difficulté du terrain, aussitôt le signal donné, l’avance. a été générale sur tout le front de cette armée, qui couvrait vingt-cinq kilomètres ; sur douze kilomètres, ou la moitié du front, notre avance a atteint sept kilomètres en profondeur. En dépit de furieux retours, l’ennemi n’en a pas reconquis un pouce. Rien que dans ce coin, et rien que dans ce début de la bataille, le chiffre des prisonniers faits a été de 5 300 ; 80 canons, 40 lance-mines, un nombre très considérable de mitrailleuses ont été capturés, ainsi que des dépôts de munitions et des dépôts de vivres intacts. Une partie de cette artillerie allemande a été immédiatement employée contre les Allemands. Comme bilan de l’offensive, au total, sur le front entier, et pour toutes les armées engagées, partout du terrain gagné ; à part quelques accrocs insignifians et aisément réparés ou aisément réparables, point de terrain reperdu ; plus de cinq cents canons ramenés derrière près de trente mille prisonniers, auxquels les dernières affaires ne font qu’en ajouter quelques milliers de plus ; des sacrifices moins lourds pour avancer qu’ils n’ont été parfois pour se maintenir ; voilà un « demi-succès » qui n’est demeuré incomplet que par rapport à nos illusions, mais dont, en d’autres temps, ou en d’autres pays, on n’eût pas hésité à faire une victoire.

Succès encore sur le front italien des Alpes Juliennes. Selon le rite, devenu classique, de la guerre moderne, à la suite d’un bombardement intensif des positions ennemies échelonnées de Tolmino à la mer, le général Cadorna a lancé son infanterie à l’assaut des pentes du mont Kuk ou Cucco, dans la zone de Plava, puis des hauteurs à