débordement de notre aile gauche, avec pour conséquence un appel persuasif au roi Constantin, le choc en retour avait refoulé l’assaillant sur les pentes du Khaïmakalan devenu le théâtre de combats furieux, et nous avait rendu Florina. Mais, en réalité, les opinions ne sont pas unanimes sur le sort de cette petite ville grecque, et sur la nationalité des maîtres du Khaïmakalan. On comprend alors les hésitations de l’Histoire à fixer son verdict sur des faits engloutis dans le passé, puisque les témoins vivans d’épisodes visibles ne peuvent mettre d’accord leurs souvenirs et leurs jugemens. Commandans de gîtes d’étapes, automobilistes qui « en reviennent, » gendarmes et cavaliers qu’on interroge au passage, affirment, tour à tour, avec autorité, les nouvelles les plus contradictoires. Où est la vérité dans le chaos de ces informations vécues et vues qui placent les Serbes victorieux ou vaincus sur l’un ou l’autre versant des montagnes, qui mettent nos communications à la merci des comitadjis hellènes ou albanais, qui lancent les Bulgares en désordre jusque sous les murs de Monastir, ou qui les accrochent sur les hauteurs d’où leurs fusils rendent inhabitables pour nos troupes les confortables maisons de Florina ? Qui écouter, et qui croire ?
Dans le doute on préfère adopter les espoirs optimistes, et l’on craint d’arriver trop tard. Mais, en examinant les cartes, on voit que Belgrade et Sofia sont loin et qu’on aura le temps d’intervenir. Et puisque deux années du front français nous ont familiarisés avec toutes les ruses, tous les préparatifs, tous les procédés de la guerre de positions, la nécessité parait impérieuse de donner de la cohésion au régiment disparate, d’accoutumer les cadres aux dispositifs, aux évolutions, aux stratagèmes un peu oubliés de la guerre de mouvement. La marche quotidienne, commencée avant l’aube et terminée avant la forte chaleur du matin, laisse assez de loisirs dans l’après-midi pour se préparer aux combats de rencontre ou de poursuite que l’on imagine prochains. Pendant une heure ou deux, d’après un thème conventionnel, chefs de section, commandans de compagnie, chefs de bataillon, dispersent leurs ouailles à travers les champs, les collines et les vallons. Rendus hargneux d’abord par cette furie de mouvement dont ils disaient qu’elle était au moins intempestive, les uns et les autres en admettaient bientôt la sagesse et l’opportunité. Le « groupe mixte » d’Européens