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interventionnistes, ceux qui veulent Gibraltar, ceux qui ne le veulent pas, ceux qui luttent et ceux qui ont peur de lutter. » C’est fort bien jugé, mais c’est incomplet, car, tout cela, en même temps que M. Maura le défend, il le critique ou l’attaque, et nous voudrions qu’il n’y eût pas d’irrévérence à dire d’un mot à la française que ce serait le discours de M. Joseph Prudhomme, s’il y avait le sabre. Cependant on a tort d’opposer ces paroles d’hier à celles d’avant-hier, et ce discours des Arènes au discours de Beranga. Nous avons tenu à lire et à relire dans leur texte les deux morceaux. M. Maura est resté fidèle à lui-même ; et, s’il se contredit, s’il ne se ressaisit et ne se rassemble pas, ce n’est pas de l’un à l’autre ni entre les deux, c’est en chacun d’eux. A l’appui de la neutralité, il évoque les antiques griefs, qu’il émousse pourtant de sympathies conditionnelles, si bien qu’on pourrait croire, d’une part, que ce discours a été composé au lendemain de la bataille de Rocroy, et, d’autre part, qu’il a été fait tout spécialement en vue de Gibraltar et de Tanger. Mais pourquoi tant d’affaires et de commentaires ? Les acclamations échauffées de la « jeunesse mauriste » — y eut-il jamais une « jeunesse canoviste ? » — nous dévoilent que ce ne fut, au fond, qu’un geste de politique intérieure.

Dans l’ensemble, nous sommes autorisés à maintenir que la cause est entendue, et que l’opinion du monde, chaque jour plus unanime et plus hardie dans son expression, est pour nous la certitude morale de notre victoire. Nos fidèles amis nous le prouvent de la façon la plus agréable, mais ceux mêmes qui ne sont pas nos amis très passionnés nous le prouvent aussi à leur façon. Il n’est pas jusqu’au roi Constantin qui ne comprenne l’opportunité de nous marquer des dispositions moins hostiles, et qui ne nous fasse cette avance, qu’il voudrait nous faire prendre pour une satisfaction, de congédier M. Lambros et de rappeler M. Zaïmis, dont nous n’eûmes pas trop à nous plaindre, et que nous n’avons pas d’objections à voir revenir, sans toutefois trop en espérer. Nous ne douterions pas de ce qu’il voudrait, qu’il nous faudrait encore douter de ce qu’il pourra. Les destins sont en marche : ils ont trouvé leur voie. La dernière leçon du président du Conseil qui s’en va à son royal élève a dû être que les Cieux et les Enfers étaient pleins de divinités lentes et boiteuses, qu’on n’arrête plus lorsqu’on les a forcées à se lever.

Mais nous voici, avant de finir, ramenés par les dernières nouvelles à tourner encore nos regards vers Pétrograd. Cette semaine a vu apparaître au jour le conflit latent du Gouvernement provisoire et du Comité mixte d’ouvriers et de soldats ; conflit fatal, et qui ne