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Au surplus, l’Empire allemand qui a bravé et comme provoqué à plaisir l’inimitié des États-Unis aurait tort de se rire du défi que lui portent ou s’apprêtent à lui porter des États que, dans sa superbe, il peut juger minuscules comme Cuba, Haïti, le Guatemala, la Bolivie, ou exorbitans comme le Brésil et la Chine. Quand une puissance s’est révélée aussi monstrueuse que s’est découverte l’Allemagne, il s’agit non seulement de la battre dans le temps le plus court, mais de l’abattre pour le plus longtemps ; non seulement de la briser dans la guerre, mais de la brider après la guerre. A cet égard, l’adhésion des Antilles, de l’Amérique centrale, de l’Amérique méridionale, de l’Extrême-Orient, est inappréciable. C’est plus de la moitié du globe qui se retire et qui se refuse. Et nous ne sommes pas au bout. Le Brésil, qui avait rompu ses relations avec l’Allemagne, paraît être décidé à ne pas s’en tenir là : telle est du moins la signification qui semble s’attacher à la retraite du chancelier, M. Lauro Muller, que remplace M. Nilo Peçanha. Rendons cette justice à M. Muller qu’il se montra toujours correct, et qu’il y eut quelquefois du mérite, étant donné ses origines et son nom même qui ne permettait à personne, pas même à lui, de les oublier. Mais saluons M. Peçanha, dont le cœur et le verbe latin sont plus chauds. D’autres républiques du Centre et du Sud hésitent, soupèsent et oscillent encore. La République Argentine s’estime provisoirement satisfaite. Mais, chose curieuse et qui demanderait vérification, on annonce que le général Carranza amènerait le Mexique à résipiscence. Ainsi, de proche en proche, l’attraction des États-Unis emporterait tout le continent.

Seule, drapée dans ce qui lui reste de la cape de Charles-Quint, l’Espagne, trop faible, dit-elle, pour se porter au premier plan, trop fière pour se ranger au second, demeure assise au rivage de l’ancien monde. Ce n’est pas nous qui nous permettrions de parler d’elle en ces termes, c’est un de ses hommes politiques, un de ses chefs de parti, et le plus illustre peut-être de ceux d’à présent, M. Maura. Nous lui en avons connu d’autres. Homme politique, chef de parti, il serait plus juste de dire : orateur. Encore, de l’aveu unanime, le discours que M. Maura a prononcé l’autre dimanche, à la Plaza de Toros, devant 20 000 personnes dont beaucoup étaient venues par curiosité, n’a-t-il pas été de ses bons. Tous les journaux de Madrid ont passé la semaine à en chercher le sens et le lien. Le moindre de ses défauts est d’être obscur ; mais il est, de plus, tout rempli d’incohérences et de contradictions. « M. Maura, imprime en manchettes le Libéral, défend les germanophiles, les amis de l’Entente, les neutralistes, les