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Disons mieux : il y avait naguère dissentiment là-dessus ; à présent on s’est mis d’accord. « Paix générale, » proclament à l’unisson les organes les plus bourdonnans de la social-démocratie, et ces paroles correspondent aux affirmations des « extrémistes » russes.

C’est, en effet, la révolution russe qui a amené ce changement de position de la diplomatie allemande, officieuse sinon officielle, et de ses missionnaires de toute robe. Du temps du Tsar, avec le gouvernement impérial, on ne pouvait poursuivre qu’une paix séparée, en nouant de savantes, peu ragoûtantes, et parfois dégoûtantes intrigues, par le jeu des influences, des trahisons, des séductions et des corruptions germaniques. Depuis les ides de mars, aux yeux des révolutionnaires internationalistes, dont les plus jeunes ont quand même de vieilles barbes, on fait luire, par le jeu des déclamations démagogiques et des rêveries humanitaires, le mirage de la paix générale. Mais, paix générale ou paix séparée, l’une serait pour le monde aussi dangereuse et pour nous aussi détestable que l’autre, si elle était prématurée, car alors elle ne pourrait être que favorable à l’Allemagne. Elle serait favorable à l’Allemagne, même si, comme les extrémistes russes se la représentent, et comme, à de certains symptômes, il semble qu’on incline en Allemagne à y acquiescer, c’était une paix « sans annexions et sans indemnités, » car l’Allemagne sait que c’est désormais le plus qu’elle puisse prétendre ; et finalement, après une fausse défense, de fausses révoltes, des mines, simulacres ou simagrées, elle l’accepterait avec joie dans la crainte du pire. La social-démocratie est donc à l’œuvre, elle a mis au feu tous ses fers et au vent toutes ses enseignes. La conférence de Stockholm s’organise tout ensemble et se désorganise, avec le socialiste belge Camille Huysmans comme régisseur parlant au public, le Hollandais Troelstra comme metteur en scène ; le fameux Scheidemann comme chef d’orchestre, et, comme forts ténors, le leader viennois Victor Adler, le ministre danois Stauning ; comme chœur sur la scène, les délégations de l’Europe centrale, et le Suédois Branting comme gardien de la salle, qui ne sera pas toute garnie, malheureusement, de neutres et d’ennemis, et où certains socialistes d’un ou deux pays de l’Entente, moins clairvoyans que la majorité, n’ont pas été, par un sursaut de conscience, avertis qu’ils n’avaient point de place.

Cette image de théâtre convient seule à ce qui n’est qu’une comédie, comme n’est qu’une comédie le zèle du Reichstag lui-même pour les réformes, l’extension des droits populaires et des