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Nord de la Scarpe, les Anglais, s’étant emparés d’Arleux-en-Gohelle, ont prononcé tout de suite une action contre Fresnoy, et là, sur une étendue de trois kilomètres environ, ils ont percé, ou enfoncé, ou fait plier (comme il plaira le mieux au quartier-maître général Ludendorff pour la rédaction de son communiqué) la branche Siegfried de la ligne Hindenburg. Fresnoy est disputé âprement, pris, repris ; et, plus bas, Oppy, protégé par son bois, tient dur ; mais « nous l’aurons, » jurent à l’envi, tommies, Canadiens et Ânzacs, c’est-à-dire, par abréviation, les Canadiens et les Néo-Zélandais. Vers Gavrelle, poussées et contre-poussées ; de l’Ouest, le maréchal Haig pèse sur la ligne que, de l’Est, étaie le Kronprinz de Bavière. A Fampoux, sur la voie ferrée, les Britanniques paraissent avoir nettement le dessus. Le deuxième secteur, passé la Scarpe, entre Scarpe et Sensée, avait été, au début de la nouvelle bataille, assez tranquille ; mais voici qu’il s’est animé, et que, des deux côtés de la route d’Arras à Douai, des attaques anglaises, des contre-attaques ennemies se disputent les approches de Chérisy, qui commencent à être les avancées de Bullecourt dans le troisième secteur ; en fait, avec Fontaine-lès-Croisilles et Croisilles même, les vis de sûreté, les écrous de la grande charnière allemande. C’est, en effet, de Quéant que partent vers les quatre points de l’horizon toutes les lignes, tous les fossés, toutes les tranchées, tous les fils de fer de Hindenburg ; c’est là que s’articule son système de défense, et qu’il enlace aux jambes du héros Siegfried les bras du dieu Wotan. Mais une charnière se rompt à coups de marteau, et puisque le Jupiter teuton prise cet instrument qu’il a adopté pour emblème, l’artillerie anglaise ne tardera sans doute pas à lui en donner. Personne, — et Ludendorff moins que personne, — n’oserait nier qu’elle soit devenue experte dans l’art de « marteler, » de « pilonner. » Ce sera ici un gros morceau, et il faudra peut-être de la patience ; seulement, quand la charnière sautera, le résultat vaudra la peine.

Cela fait, ces secousses données, c’est le tour de l’armée britannique de se reposer, en en préparant d’autres, et c’est le nôtre, c’est le tour de l’armée française de reprendre une offensive que certains s’étaient trop hâtés de croire arrêtée, mais qui n’était, qui ne pouvait être qu’interrompue, pour l’accomplissement de ses desseins et par les nécessités mêmes de son développement. S’il était permis d’employer une pareille comparaison, nous dirions volontiers que cette offensive, cette double offensive est réglée sur une sorte de rythme alterné. Nous avons, dès le 1er mai, dénoncé l’excès de notre impatience,