Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La troisième bataille d’Artois, que l’armée britannique a engagée le jeudi 3 mai au matin, a mis aux prises, de la part de nos Alliés une résolution opiniâtre, de la part de l’ennemi une fureur désespérée. D’après tous les témoignages, cette guerre, qui a vu de si terribles mêlées, n’en avait pas encore connu d’aussi ardentes que celles-ci. Nous n’aimons pas beaucoup, pour ce qu’elles ont d’inutilement injurieux, les métaphores empruntées à l’art de la vénerie ; mais on peut le dire : un tel acharnement est le signe que nous arrivons à l’entrée de la tanière et que la bête est sur ses fins. Du moins, c’est le signe qu’elle s’en rapproche. Le champ de bataille couvre, à l’Est d’Arras, du Nord-Est au Sud-Est, et, plus précisément, de la route de Vimy à Acheville au village de Bullecourt, un front d’un peu plus de vingt kilomètres. Pour la commodité du regard, divisons-le en trois secteurs ; mais indiquons d’abord ce qu’était dans cette région la ligne de Hindenburg, ou plutôt celle de ses lignes successives que l’âme poétique et wagnérienne de l’État-major impérial avait baptisée du nom de Siegfried, réservant pour la suivante, qui serait plus formidable encore, le nom redouté de Wotan, père des épouvantemens ; comme si les guerres d’aujourd’hui, sans prétendre que la force du mythe n’y joue absolument aucun rôle, se décidaient par des mythologies.

Cette ligne, la ligne Siegfried, allait, dans la direction du Nord au Sud, d’Acheville à Bullecourt, en passant approximativement par Arleux-en-Gohelle, Oppy, Gavrelle, Fampoux, Rœux, l’Est de Monchy-le-Preux et de Guémappe, Chérisy, Fontaine-les-Croisilles, coupant la route nationale et la voie ferrée d’Arras à Douai, la route nationale d’Arras à Cambrai, plusieurs rivières parmi lesquelles la Scarpe, le Cojeul, la Sensée. Dans le premier des trois secteurs, au