Pétrograd, avec le titre de praportchik [1], qui est le premier grade d’officier.
Avant-hier, lundi, chargé d’une mission secrète, le jeune homme se rendait à l’Arsenal. Arrivé à la Chpalernaïa [2], il se heurte aux révolutionnaires qui en faisaient le siège. Son costume le leur rend suspect. Déjà les massacres d’officiers commençaient. On tire Bounrsteïn de son automobile, on l’insulte ; enfin, on décide de le fusiller immédiatement. Le jeune homme, face à la foule, se croise les bras. Mais comme les fusils sont déjà braqués sur lui, un ouvrier crie :
— Tout de même, on ne peut pas fusiller un brave de cet âge qui a trois croix et une médaille de Saint-Georges sur la poitrine. Camarades, baissez les fusils !
Et on lui rend sa liberté.
Il n’en profite que pour continuer de remplir sa mission.
Sur la Newsky, près de Notre-Dame de Kazan, l’officier qui conduisait l’automobile est tué à son côté : lui-même est insulté par la foule.
— J’étais écœuré, dit-il. Je me rendis à l’hôtel Astoria. On y attendait les révolutionnaires. Les salles du bas étaient bondées de voyageurs alarmés, de femmes on pleurs. Quelques-unes, affolées, voulaient fuir. On les en dissuada. La maison était entourée. Deux soldats, sortis de l’hôtel quelques instans auparavant, avaient été tués avant d’avoir fait dix pas. Le désordre, la démoralisation régnaient parmi les habitans de l’hôtel. Tout à coup, un général de cavalerie se met à les haranguer. Il invite les officiers à prendre leurs armes, les dames à aller attendre dans leurs chambres l’issue de la lutte.
« Alors des scènes poignantes se déroulèrent. Des femmes sanglotaient en s’attachant à leur mari qu’elles refusaient de quitter. D’autres demandaient courageusement à combattre avec les hommes. Les autres se précipitaient vers l’escalier pour chercher un refuge aux étages supérieurs. Le luxe des toilettes et des bijoux ajoutait, par contraste, au tragique des visages blêmis ou gonflés de larmes.