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royaume comme dans l’empire, crise larvée : combat de comtes de qualité et d’authenticité diverses, des comtes Jules Andrassy, Apponyi, Karolyi, contre le comte Etienne Tisza ; querelle de seigneurs, de magnats de couloirs et de clubs, à laquelle la rue se mêle et dont on ne sait trop comment elle finira. Fausse crise, en Grèce, chez le roi Constantin. M. Lambros brûlerait, assure-t-il, de retourner à ses chères études. Son auguste élève l’a retenu. Il a beau consulter les chefs de partis ; il ne voit pas grand’chose après cet archéologue. Celle-là, la crise grecque, on le sent, pourrait devenir tôt ou tard plus qu’une crise ministérielle. La dernière crise, l’espagnole, dépasserait en portée, toutes les autres, s’il était certain que M. Garcia Prieto, marquis de Alhucemas, ne continuât pas tout bonnement le comte de Romanonès et ne fût pas forcé, comme lui, par une fatalité plus puissante que les hommes, de « continuer l’histoire d’Espagne. » Dans le noble message par lequel il a demandé au Roi son congé, et fait ses adieux au peuple, le comte de Romanonès a insisté sur deux points : sur la nécessité pour l’Espagne de persévérer dans la voie où elle s’est engagée en 1912, par ses accords avec nous, et cela nous touche directement ; sur l’intérêt primordial qu’elle a, comme dépositaire du patrimoine spirituel d’une grande race, à « présider la confédération morale de toutes les nations de son sang. » On ne pouvait dire mieux, et personne ne pourrait dire plus. Voici, en effet, que se forme la Confédération morale de toutes les nations de sang espagnol. La Républicaine cubaine, sans mesurer la taille du colosse, a déclaré la guerre à l’Allemagne, malgré la rébellion préventivement fomentée de José Miguel Gomez (et non de Maximo Gomez, comme on l’a partout imprimé, par une erreur d’autant plus regrettable que le vieux « paladin de la liberté des Antilles » est mort voilà quelques années, avec moins d’éclat, il est vrai, qu’il n’avait vécu). D’autres États de l’Amérique centrale, malgré la flamme allemande entretenue au Mexique par d’étranges vestales ; les plus grands États de l’Amérique du Sud, malgré les discordes intestines que les mêmes mains criminelles s’appliquent à envenimer ; dès hier le Brésil, aujourd’hui la République Argentine, demain sans doute le Chili, le Pérou, la Bolivie, ont adopté, adoptent ou adopteront une attitude de plus en plus ferme, mais qui, dès maintenant, ne saurait être plus nette. Ils feront tous ensemble le geste latin, resserreront entre eux la confédération des nations de sang ibérique. Mais cette alliance, plus étroite entre les États de l’Amérique du Sud, se noue autour des États-Unis de l’Amérique du Nord. C’est aux étoiles que vont s’ajouter ces étoiles