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REVUE LITTÉRAIRE

LES TRIBULATIONS D’HOMÈRE [1]

Un jour, dans les premières années de l’avant-dernier siècle, Homère a bien failli l’échapper belle.

La scène se passe dans la maison de M. Charpentier, place du Chevalier du Guet, un peu de temps après le décès de ce savant homme, qui fut mené aux Cordeliers le 5 mai 1702. M. Charpentier laissait en mourant son héritage à l’un de ses neveux. Or, un jour, M. l’abbé Boscheron, l’auteur des Nouvelles littéraires et l’ami du défunt, se présente au logis de la place dite du Chevalier du Guet. Et aussitôt, que voit-il ? Le neveu de M. Charpentier, plus un ami du neveu, étaient assis l’un et l’autre devant un grand feu. Chacun d’eux avait auprès de soi un grand sac tout plein de manuscrits et de lettres que les écrivains les plus illustres adressaient naguère à M. Charpentier. Tous deux étaient gris au point qu’ils ne purent se lever de leurs fauteuils à l’entrée de M. l’abbé Boscheron. Ce qui leur restait de force, ils l’employaient à plonger la main dans les sacs et à en tirer des papiers qu’ils jetaient au feu par poignées. « J’arrivai justement, dit M. l’abbé Boscheron, dans le temps que nos braves s’excitaient à qui irait le plus vite dans cette belle expédition... » Ils bégayaient, d’une voix avinée : « Allons ! encore une petite pincée de ces beaux esprits ! »

  1. Un mensonge de la science allemande, Les Prolégomènes à Homère de Fr. Aug. Wolf, par Victor Bérard (Colin). Cf. du même auteur, Les Phéniciens et l’Odyssée, deux volumes (Colin, 1902-1903) ; — Les théories dramatiques au XVIIe siècle, étude sur la vie et les œuvres de l’abbé d’Aubignac, par Charles Arnaud (Picard, 1888) ; — Pour mieux connaître Homère, par Michel Bréal (Hachette, 1906) ; —Phéniciens et Grecs en Italie d’après l’Odyssée, par Philippe Champault ; Leroux, 1906).