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VERNER DE HEIDENSTAM

L’Académie suédoise, à qui Alfred Nobel, par son testament, a confié le soin de désigner chaque année l’écrivain qui aura produit « l’œuvre littéraire la plus remarquable par ses tendances idéalistes » et de lui décerner l’un des prix qu’il a fondés, l’a attribué pour 1916 au poète Verner de Heidenstam. C’est la première fois qu’elle accorde cette faveur à l’un de ses membres. Selma Lagerlöf l’avait obtenue en 1909 avant qu’elle ne fit partie des Dix-huit. Ceux-ci avaient longtemps hésité à en faire bénéficier l’un des leurs ; sans doute aussi éprouvaient-ils quelque scrupule à donner ce prix pour la seconde fois à un écrivain suédois. Mais il y a longtemps que le peuple suédois a élu M. de Heidenstam pour son poète national. Et il se trouve que le prix distribué pendant cette grande guerre couronne un écrivain qui a emprunté à la guerre le sujet de son ouvrage le plus caractéristique ; il la montre génératrice des vertus de courage et d’héroïsme en traçant d’elle des tableaux qui sont, parmi ceux qu’offre la haute littérature, comparables aux plus beaux et aux plus saisissans.


M. de Heidenstam habite sur les bords de l’un des grands lacs de la Suède, le Vetter, véritable mer intérieure, dont les eaux sont d’une transparence singulière. En hiver, il est glacé et d’une blancheur que n’altère aucune ombre. Lorsque au printemps la glace se fend et se sépare en longues banquises qui flottent sur les vagues, elle s’irise comme un cristal cerclé d’un liséré d’or. Les oiseaux aquatiques des lacs voisins qui sont encore pris viennent se baigner dans les eaux libres du Vetter. Au coucher du soleil, mille tableaux fantastiques se dessinent