Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allemande aujourd’hui, serait un peuple religieux, au cœur pur, à l’âme simple et généreuse, lui qui vient de se salir par tant de crimes et d’atrocités, lui qui, au moment même où j’écris ces lignes, forcé de battre en retraite devant nos soldats et nos alliés vainqueurs, souille ses derniers pas sur notre sol par des dévastations et des horreurs sans nom ? C’est cette armée de barbares et de scélérats qui oserait compter sur une paix glorieuse et s’assurer contre nous, contre toute l’Humanité des garanties sérieuses, c’est-à-dire, avec un développement économique immense et la suprématie sur les mers comme dans le monde entier, une domination absolue et sauvage ?... M. de Bülow a écrit ces lignes avec la même impudence que le directeur de la Zukunft, Maximilien Harden, osait étaler ainsi ces jours derniers en ces lignes : « Nous autres Allemands, nous avons la conscience pure. Notre honneur est sauf et nos poches sont pleines ! »


Quoi qu’en dise et pense l’ancien chancelier, la formidable transformation qu’implique pour l’Allemagne la substitution du nouvel Empire au régime de la confédération et dont les Prussiens espéraient tirer encore un plus grand profil pour l’extension totale de leur domination personnelle aura bientôt vécu. Malgré le rescrit habile de Guillaume II et la promesse de réformes politiques impatiemment attendues, l’œuvre gigantesque de Bismarck s’écroulera ; la Prusse démembrée et désarmée verra sa force et sa suprématie anéanties. Les Etats du Sud et du Nord seront séparés et cette cohésion si menaçante de 70 millions d’Allemands pour le repos du monde, sera enfin dissoute à la satisfaction générale. Quant au militarisme allemand, dont la barbarie abjecte fait la honte de ceux qui l’ont pratiqué et glorifié, il demeurera comme le plus exécrable souvenir de ce que peuvent la Force brutale et la Science sans le droit et sans l’honneur.

M. de Bülow a beau préconiser la puissance et le génie de la Nation et de l’Armée allemandes qu’il trouve supérieures à toute autre nation et à toute autre armée, il n’en est pas moins forcé de reconnaître, avec Alexis de Tocqueville dont il cite un passage fort connu, emprunté à l’Ancien Régime et la Révolution que « la France est la plus brillante en même temps que la plus