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en ces pays après la signature de la paix jusqu’à ce que la passion nationale ait trouvé le moyen de s’épancher ailleurs. » Contre cet esprit vindicatif et cette soif de revanche qui se manifesteront de l’Est à l’Ouest et par delà le canal de la Manche, où l’Allemagne découvrira-t-elle une protection certaine ? « Dans l’accroissement de sa puissance. » L’aveu est clair. « A nous, s’écrie M. de Bülow, de nous fortifier sur nos frontières et sur notre littoral, et de nous rendre plus inattaquables que nous n’étions quand éclata la guerre. » Cet aveu promet. Mais, pour nous rassurer, le fin diplomate ajoute aussitôt : « Ce ne sera pas en vue de nous assurer l’hégémonie universelle, mais bien pour assurer notre défense nécessaire. La conclusion de la guerre ne peut être négative ; elle doit être positive. Il ne s’agit pas seulement pour nous de n’être ni anéantis, ni diminués, ni morcelés, ni réduits en poussière. Il s’agit pour nous d’un bénéfice qui se traduira par un surcroît de sécurité, qui nous dédommagera des peines et des souffrances inconnues jusqu’ici que nous aurons éprouvées, qui nous sera enfin une garantie pour l’avenir. En raison des sentimens que la guerre aura fait naître contre nous, le retour pur et simple au statu quo ante bellum ne représenterait pas assurément un gain pour l’Allemagne, mais serait au contraire une défaite pour elle. C’est seulement à la condition que nous sortirons de la guerre plus forts, et qu’un accroissement de notre puissance politique, économique et militaire nous permettra de contenir les hostilités déchaînées contre nous, que nous pourrons nous dire, en toute sécurité, que la guerre a amélioré notre situation générale. »

Ceux qui nous parlent encore de la modération possible des Allemands, ceux qui croient à des propositions vagues et hypocrites de paix et de conciliation, ceux qui se défendent même de rêver l’annexion de la moindre parcelle du sol allemand et hésitent presque à revendiquer l’Alsace et la Lorraine intégrales, peuvent saisir maintenant les désirs, les ambitions et les volontés de l’Allemagne. C’est l’un de ses diplomates les plus modérés en apparence, mais l’un des plus exigeans en réalité, qui laisse entrevoir jusqu’où iraient les exigences de son pays, s’il était vainqueur. Avec le même ton calme, la même voix paisible, l’attitude si simple qu’il affectait au Reichstag, M. de Bülow continue sa tâche. Il avait