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RÊVERIES D’APRÈS GUERRE
SUR
DES THÈMES ANCIENS

I
AU PRINTEMPS DE NOS BISAÏEULES

Les sages, qui jamais ne furent plus nombreux, à en juger par la quantité de gens aujourd’hui occupés à disserter de l’état social à venir, les sages annoncent que des modifications radicales s’opéreront après la guerre dans les façons d’être et de penser des Français ; ils prévoient un renouvellement des mœurs et un bouleversement de la société comparable à celui dont fut la cause cette succession d’événemens justement désignée sous le terme synthétique de « grande révolution. »

Il se peut bien que les sages ne s’abusent pas ; mais leur pronostic est contesté par d’autres, joyeux sociologues, atteints d’une sorte de nostalgie de la frivolité, lesquels prédisent que rien ne sera changé quand le monde aura retrouvé son assiette après la formidable commotion ; ils assurent que l’arrière, aussi bien que le front, est d’autant plus désireux de plaisirs qu’il en est sevré depuis bientôt trois années pleines, et que Paris, à peine éveillé du cauchemar, reprendra, avec le même entrain qu’auparavant, son rôle jalousé de conducteur des mondiales farandoles.

Ainsi divergent les prophètes : un seul (Joint sur lequel tous s’accordent, car on le discerne dès maintenant, c’est que, graves ou gais, il nous faudra, de toute nécessité, restreindre notre