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ressuscités en sa personne… Oui, c’est ainsi que l’Allemagne et le monde entier voient dorénavant notre Kaiser : comme une haute figure de héros, un véritable chevalier par la grâce de Dieu, à la fois souverain et prophète, prince et serviteur, à la fois le général victorieux et le prêtre chargé des prières de son peuple. » Ou bien le « licencié-docteur » raconte en abrégé à son auditoire l’origine et les débuts de la guerre :


Un petit peuple qui a toujours placé le régicide au nombre de ses méthodes favorites d’action politique s’avise de priver l’Autriche de son espoir et de son avenir dynastiques, en faisant assassiner l’héritier présomptif de sa couronne, — et cela avec l’appui, la complicité, et l’encouragement secrets d’autres nations. L’Autriche exige une expiation, ainsi qu’elle est bien forcée de le faire sous peine de renoncer à sa dignité. Elle déclare à plusieurs reprises : « Ce n’est pas une conquête que j’ai en vue, mais seulement une expiation, avec des garanties pour mon avenir ! » Hélas ! elle a beau faire : les séducteurs occultes de la Serbie l’excitent à résister. Après quoi la Russie, la France, et l’Angleterre trahissent odieusement le germanisme, — pour ne rien dire du péché mortel commis par l’Angleterre contre les races blanches, en soulevant contre nous le jaune Japonais… Et d’abord quelques-uns d’entre nous ont pu penser que nous avions dévié du sentier étroit des conventions internationales en faisant passer nos troupes par la Belgique, et en violant ainsi sa neutralité ; mais, là encore, il a été prouvé qu’une évidente faveur divine nous avait préservés de rien faire de mal. Car c’est chose prouvée aujourd’hui que les Français, deux jours avant la mobilisation allemande, avaient envoyé un régiment à Namur, afin d’y renforcer la garnison belge. Oui, mes frères, les Allemands sont tout à fait innocens du commencement de cette guerre ; et, depuis lors, de tous côtés, les témoignages affluent quant à la manière toute noble et chevaleresque dont nos troupes se conduisent dans leurs moindres actions !


Tout au plus le théologien reparaît-il sous l’historien et le portraitiste lorsque le pasteur Rump se trouve amené à étudier le véritable objet de la guerre présente. Cet objet, selon lui, mérite pleinement de justifier l’enthousiasme patriotique du peuple allemand « Car comment les fils de la France, par exemple, se passionneraient-ils pour une guerre comme celle-là ? Pas un d’eux ne sait pourquoi il se bat. Tandis que nous, les Allemands, nous le savons bien. Nous savons que nous combattons pour la culture et le culte ( ? ), pour le droit et la morale, pour la vie et le bien-être. » Ailleurs, l’orateur sacré affirme que les Allemands « combattent pour la cause de Jésus dans l’humanité. » Et c’est encore ce qu’il explique en disant : « L’objet de cette guerre est de nous mettre à même de