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ces morts et ces blessés rayonne même jusqu’à nous dans notre lointain pays paisible…


Et donc cette guerre que les pacifistes américains appellent une boucherie confuse et vainc est pour Herrick une guerre nécessaire, une guerre sainte, et nul peuple et nul homme n’a le droit de s’en désintéresser, car elle est la plus grande des décisions de l’âme et de l’histoire. Elle seule peut donner « la paix vraie qui ne s’établit pas par l’abandon ou le compromis, — ni pour les individus, ni pour les nations. »

Tel est le sens de ce livre et la justification de son titre. cette décision est la décision suprême, non pour telle race ou telle nation, mais pour toute âme. En face d’elle aucune ne peut rester « neutre. » Entre le bien et le mal aucune neutralité n’est possible.

Seul un Américain pouvait écrire ce livre. Seule l’Amérique pouvait fournir l’arrière-fonds, la secrète inspiration qui lui donnent son émouvante originalité. Un romancier d’un autre pays aurait pu, sans doute, en ordonner la progression dramatique aussi subtilement, y verser des qualités de vie, de pénétration, d’émotion intellectuelle aussi vives, un autre penseur abonder en analyses aussi fortes. Mais dans le complexe tissu de ce talent où s’entre-croisent tant d’influences et de traditions, — puritaines, païennes, anglo-saxonnes, latines, — dans cette œuvre où la ferveur morale et le détachement de l’artiste, les préoccupations et les intuitions du démocrate, les dédains du philosophe aristocratique, se fondent en subtil mélange, l’apport du patriote angoissé est, pour nous, le plus riche en intelligence et en émotion. — C’est la grande ombre de la destinée américaine incertaine projetée sur toute l’œuvre qui la baigne d’inquiétude tragique et lui donne son sens profond : c’est le problème toujours présent de cet avenir qui stimule le cerveau et le cœur de Herrick. Car, tel Hercule au partage des chemins, la jeune Amérique dressée dans sa force immense et confuse, grand corps indéterminé encore, est au seuil de sa destinée indécise, et tout l’avenir de son âme sortira de son choix. En elle tous les héritages de l’ancien monde et des richesses nouvelles sont réunis ; et devant elle tous les problèmes, les anciens et les nouveaux, se posent. Son sort est celui de l’humanité entière et sa décision est la plus significative de toutes. — C’est l’honneur