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génie français l’a senti et par la bouche de ses philosophes l’a proclamé.

De plus sa lucide vision a compris du coup la « leçon de l’Allemagne, » — que la force scientifiquement organisée peut seule vaincre la force. Et c’est pourquoi la France, plus vite que ses Alliés, s’est adaptée aux conditions de la lutte. Elle a vu que, pour dominer la machine allemande il fallait créer une machine aussi puissante, aussi « efficace, » avec ce « plus » de valeur morale et d’enthousiasme qui devait donner la victoire. Cette valeur morale refusée à la machine, la France la sentait en elle, et sa confiance dans la victoire définitive est justifiée. — Mais saura-t-elle apprendre toute la leçon de l’Allemagne :


l’habitude de la préparation, de la discipline, de l’organisation, de l’économie ? Les Français sauront-ils s’approprier le sens intime de cette leçon, l’incorporer à leur caractère, le transmettre à leurs enfans ? C’est la grande question qui nous importe à nous autant qu’à eux, au monde entier. Le monde saura-t-il concilier l’organisation matérielle de l’Allemagne et des temps modernes et la tradition latine humaine ? L’organisation sociale, industrielle, systématique, et non pas intermittente et vague, la prudence, l’économie, l’obéissance et la subordination de l’individu à l’État, la discipline, — en un mot, la société efficiente ; c’est une grande leçon.

Si le monde peut apprendre la leçon que l’Allemagne nous fait entrer dans la tête à coups de massacres, de ruines et de souffrances, s’il peut se discipliner sans se « teutoniser, » le sacrifice ne sera pas trop grand. Si les peuples non germaniques ne réussissent pas à s’assimiler la leçon assez efficacement, alors c’est que le Teuton est destiné à dominer le monde. La supériorité dont il se vante deviendra, un fait, le décret de la destinée.

C’est la grave décision qui s’élabore en ce moment en Europe, dans le sang et les larmes, à savoir : quelle est l’importance relative pour l’humanité de la discipline ou de la liberté ? L’idéal est de les avoir l’une et l’autre, dans la mesure où l’une est compatible avec l’autre. En Amérique, on voit les maux de l’individualisme dégénérant en licence. En Allemagne, on voit le résultat monstrueux du culte idolâtre d’un autre idéal : la Société, machine sans âme. Entre les deux est la voie du progrès à venir, dans laquelle, d’un instinct sûr, s’engage le Latin.


Dans les deux derniers chapitres de cette partie : — La foi de la France, — La France nouvelle, Herrick montre que de tous