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à la déclaration de guerre, et sentit battre le cœur de l’Italie. Avec profondeur, il montre l’incapacité foncière des diplomates et des politiciens professionnels à comprendre cette âme des peuples qui parfois, comme alors, surgit dans sa force inexorable et simple, irrésistible. Les diplomates sont recrutés dans les hautes classes dont les dons sont d’ordre « mondain » et dont les sympathies reflètent les sentimens et les préjugés d’un élément très restreint de l’Etat : ils ont trop exclusivement affaire à des êtres de convention, aux mondains sophistiqués : le politicien comme le diplomate ne va jamais au-dessous de la surface ; il ne possède pas cet instinct de la race qui lui permettrait de comprendre le groupe humain dont il fait partie ; il a trop exclusivement affaire aux gens dont le credo est de réussir, à la classe commerciale, à la classe exploitante :


Ce que dans le monde entier Giolitti et les hommes de sa trempe ne peuvent arriver à comprendre, c’est que le peuple n’est jamais aussi rusé, retors et vulgaire que ses politiciens. Le peuple reste capable d’émotions honnêtes, de désirs héroïques, d’immenses sacrifices : il aime, il hait, il abhorre d’un cœur simple. Comme le romancier populaire, le politicien fait l’erreur mortelle de sous-évaluer son public.


Cette erreur fut celle de Bülow et de Bethmann-Hollweg comme de Giolitti. Ils ne voyaient que l’intérêt matériel de l’Italie : il était insensé pour l’Italie de se jeter tête baissée dans la guerre contre les alliés puissans qui, à cette heure même, triomphaient à l’Est ou à l’Ouest : ils étaient infectés de la pernicieuse croyance allemande que le bien suprême de l’Etat dépend en premier lieu de la faculté que ses citoyens ont de produire de la richesse et d’exploiter ceux qui leur sont inférieurs dans la science du massacre, que tout le bonheur des individus, comme de l’Etat, consiste uniquement, ou même à un haut degré, dans la prospérité.

Mais l’Italien plonge ses racines profondément dans un autre humus de choses très anciennes, de traditions nourricières d’autres rêves, inspiratrices de risques spirituels plus délicats que ceux de l’intérêt ; et dans le silence auguste du forum, Herrick entrevoit l’idéal latin, né du maigre sol doré, vide de houille, de fer, net d’usines, mais riche de prestiges immatériels :


Il y a dans la vie humaine des qualités plus précieuses que la