Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
809
ROUEN PENDANT LA GUERRE.

l’armement, qui ne soit envoyé d’Angleterre au corps expéditionnaire. C’est ainsi qu’on peut évaluer environ à trois millions de tonnes les quantités de marchandises reçues par le port de Rouen à l’usage de l’armée britannique.

Et si l’on examine de près le menu journalier du Tommy, on comprendra d’une part le chiffre énorme de cette importation, et de l’autre la liberté avec laquelle ce soldat grassement payé, — le moindre de ces soldats ne peut toucher moins de 1 fr. 30 par jour, et ses diverses spécialités peuvent l’amèner à la solde quotidienne de 6,8, et 9 francs, — réserve son argent à un abondant superflu. Voici la ration journalière à laquelle a droit tout membre de l’armée anglaise, du simple soldat au général, car pour le troupier et pour l’officier, même supérieur, les rations sont identiques : 1 livre de pain, 1 livre 1/4 de viande fraîche ou 1 livre de viande de conserve (bully beef), 1/2 livre de légumes frais ou 120 grammes de légumes secs, 120 grammes de bacon ou lard salé, 120 grammes de confitures » 17 grammes de thé, 90 grammes de fromage, plus sel, poivre et moutarde. Avec un tel ordinaire le soldat anglais n’a nullement besoin d’aller demander au plat du jour du « bistro » français un supplément alimentaire.

Différentes places des quais ont été concédées à l’armée anglaise pour le déchargement de ses marchandises, dans le port maritime. La plus intéressante, qui s’étend sur cent cinquante mètres environ, en aval du pont transbordeur, constitue en même temps les docks où sont emmagasinées les importations. Des bâtimens couverts abritent les denrées plus délicates, et la boulangerie où, à mesure que la farine arrive, on la convertit en petits pains ronds et dorés pour lesquels notre appellation militaire de « boule » serait trop démocratique.

Quant aux pyramides géantes que je citais en commençant, et qui, au crépuscule, figurent des architectures si bizarres de temples hindous, ce sont les petites boîtes uniformes, en bois de sapin, étagées avec une singulière adresse pour la moindre dépense de place, et contenant le lard, les conserves, le thé, le beurre, les œufs, les bières, le wisky, les médicamens, les pansemens, etc., utilisés dans la base de Rouen et ce qui en dépend.

L’activité de cette zone, interdite au public rouennais, est