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Il convient de rendre à Madame cette justice qu’une fois ses yeux dessillés, elle accepte la situation. Dans la journée du 14, elle pense adresser au parlement anglais une pétition que O’Meara lui a envoyée toute rédigée ; elle écrit à O’Meara ; elle écrit à Lucien ; elle écrit à lord Holland ; elle écrit à lord Liverpool ; elle écrit à Marie-Louise. Quant à Fesch, il se contente d’adresser à Las Cases une lettre d’affaires ; il parle de deux traites de 20 000 francs chacune, dont il n’a pas été prévenu, et qui sont restées impayées : il parle de 27 000 francs qu’il a payés pour Gentilini, Antommarchi, Buonavita : il chargé Las Cases de solder, sur les fonds qui ont dû rester dans ses mains, 24 000 francs que Bertrand a chargé Madame de compter à Mme de Montholon. Pas un mot de l’Empereur. Sa lettre est d’un homme désappointé, qui n’est point convaincu. Elle est sèche et sotte. Quel remords pourtant s’il avait compris !

Le 16 juillet, on fut avisé à Rome que l’Empereur était mort à Longwood le 5 mai à cinq heures quarante-neuf de relevée, soixante-douze jours auparavant. On l’avait appris à Londres le 4 juillet ; à Paris le 5 et le 6 ; à Baden en Suisse le 14 ; à Rome le 16 ; à Trieste le 17 ; Joseph ne le sut à Saratoga que le 10 août.

À ce moment, Madame se préparait à réclamer le corps de son fils. L’Empereur, dans cette lettre qu’il avait dictée à Montholon le 28 avril et qui devait être datée du jour de sa mort, avait fait écrire à Lowe ; « Je vous prie de me faire connaître quelles sont les dispositions prescrites par votre gouvernement pour le transport de son corps en Europe. » Par son testament, il a exprimé le désir « que ses cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français qu’il a tant aimé. » Mais l’oligarchie britannique a pris ses mesures : si, dans les instructions données à l’amiral sir George Cockburn, lord Bathurst avait admis que, après son décès, Napoléon fût ramené en Angleterre, pour que sans doute on y acquît la certitude qu’il était mort, le ministre trouva par la suite que mieux valait laisser ce cadavre dans l’ile perdue, et d’en confier la garde à l’Océan. Dès le 18 septembre 1817, il écrivit à Hudson Lowe : « Vous ne regarderez plus, en cas d’un pareil événement, cette instruction comme en vigueur ; mais vous prendrez des mesures pour ensevelir le général Buonaparte à Sainte-Hélène, avec les honneurs militaires. » L’ordre fut renouvelé en 1820 de ne