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avoir confiance. « Quoiqu’il paraisse, écrit lord Bathurst à Lowe, que la personne qui l’a récemment servi en la dernière qualité ait été soudain éloignée par ordre du général sans qu’on lui reproche aucune faute ou aucune inattention[1], je suis cependant si peu disposé à intervenir dans les arrangemens que le général Buonaparte croit nécessaire de prendre pour son bien-être ou pour sa sûreté que j’ai laissé au cardinal Fesch le choix des personnes pour les deux emplois ; les deux personnes se rendront à Sainte-Hélène en compagnie du prêtre catholique romain et prendront les mêmes engagemens que lui. »

Au sujet du cuisinier, nulle difficulté : la princesse Pauline donna le sien, un nommé Jacques Chandelier qui avait débuté, en 1813, page rôtisseur dans la maison de l’Empereur ; il était profondément dévoué et parfaitement désintéressé. Malheureusement, il avait une médiocre santé qui devint pire à Sainte-Hélène. De même n’eut-on pas à disputer sur le maître d’hôtel qui devait remplacer Cipriani et que donna Madame Mère : c’était un nommé Coursol, fort brave homme ; mais il n’alla pas de même du prêtre et du médecin.

Le prêtre, a dit Bertrand, qu’il soit français ou italien, doit être un homme instruit, ayant moins de quarante ans et surtout d’un caractère doux et qui ne soit pas entiché de principes antigallicans. Fesch ne doit pas manquer, parmi les anciens aumôniers évêques de la Maison de l’Empereur, de correspondais qui lui puissent procurer l’aumônier que demande l’Empereur : il n’y pense pas ; il ne fait aucun effort, il ne s’adresse à aucun des prêtres qui ont passé par la Grande Aumônerie et dont la carrière est à présent si brillante ; il allègue « la difficulté de trouver un prêtre français qui pût être agréable à l’Empereur par ses talens et son dévouement ; il dit qu’il ne se trouve plus en France que de très vieux ou de très jeunes prêtres et ceux-ci peu connus et très peu instruits, » et il passe. Il va chercher à Florence un abbé Parigi sur lequel il a pris si peu de renseignemens que, dès qu’à Homo on apprend sa désignation, une clameur s’élève « contre l’immoralité de cet ecclésiastique. » L’enquête que Consalvi ordonne à l’archevêque de Florence est si probante que le Pape ordonne qu’on retire à l’abbé Parigi les pouvoirs dont il a été revêtu à la demande de Fesch.

  1. Il s’agit ici de Lepage, sur lequel on peut consulter : Les cuisiniers de Napoléon dans Autour de Sainte-Hélène, 2e série.