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félicitations. Le geste a été prompt, et devait l’être ; mais il eût un peu manqué d’élégance, s’il n’eût été accompagné d’un éclatant hommage à la loyauté scrupuleuse avec laquelle l’Empereur déchu amendant tout son règne, gardé et observé l’alliance, malgré toutes les offres de paix séparée, et au milieu de combats intérieurs qui doublent encore envers lui notre dette de reconnaissance. Cet hommage lui a été dignement et noblement rendu ; mais notre dette n’est pas payée. Nous n’en sommes pas quittes avec un salut. Si sa captivité devait être un signe, comme d’autres le furent en d’autres temps de révolution, les gouvernemens de l’Entente sont avertis. Ils se doivent à eux-mêmes, plus encore qu’ils ne doivent à celui qui fut Nicolas II, de veiller à ce que sa personne et son foyer soient respectés.

De grands événemens, avons-nous dit, et qui se chargent de conduire les hommes : si nombreux, si serrés, si pressans, si extraordinaires aussi, que chacun d’eux attire l’attention, sans qu’aucun doive l’absorber. Le regard s’attache à la Russie, sans se détacher du front français, du front italien, de la Macédoine, de la Mésopotamie, des États-Unis, de la Chine. Une partie énorme est en train de se lier à Washington, non moins considérable que celles qui se jouent à Pétrograd, à Bagdad ou à Saint-Quentin. La fatalité mûrit. Un cinquième navire américain a été torpillé traîtreusement ; des biens « américains » ont été perdus, des « vies américaines » ont été sacrifiées. Le cas de légitime défense est posé, il est tranché. Il n’y a plus de débat que sur le caractère et sur les limites de l’intervention. Fera-t-on, en s’y joignant, la guerre européenne, une guerre universelle ? Ou fera-t-on seulement comme une guerre de Monroe, une ! guerre américaine ? Mais, sur la décision même et sur l’acte prochain, point de dissentiment, point d’hésitation. Le Congrès va se réunir le 2 avril. Il n’aura même pas à décréter l’état de guerre. Il n’aura qu’à le constater.


Charles Benoist.


Le Directeur-Gérant.
René Doumic.