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50 hommes en trois groupes, il occupe l’ennemi avec l’un d’eux, le tourne avec les deux autres, le met en fuite, et lui tue quantité de monde, s’adjugeant les mitrailleuses d’un assaillant six fois plus nombreux.

Dès le mardi 4 avril, le 4e régiment commence une attaque partielle. Il avance et enlève mètre par mètre les positions que couvre la rivière Sebea. Mais, ce fut quatorze jours après, le mardi 18, que l’offensive générale se déclencha. Elle allait mettre en mouvement, échelonnées du Nord au Sud, toutes nos forces disponibles. Une fraction du 1er régiment, appartenant à la brigade Olsen, occupe l’île de Gombo à la pointe méridionale du Kivu, et par le fait même, le poste ennemi de Shanguru est pris à revers. Le 19 avril, le major Muller, avec une partie du 1er régiment, aborde les Allemands et, le soir, les Belges hissent leurs couleurs à Shanguru.

La brigade Molitor engage une action générale. Le 26, le major Bataille avec le 3e régiment part de Kamwezi, dans l’Ouganda où il avait concentré ses forces. Quatre jours après, il arrive sur le lac Mahasi où il apprend que l’ennemi vient d’être battu sur le Kivu. On l’a chassé de l’île Kidjwi qu’il avait enlevée par surprise, en 1914.

Ce fut là que se passa un curieux incident[1]dont la connaissance fera mieux apprécier la valeur réelle du soldat belge indigène. Il fallait envoyer à Bobavdova, sur la rive Ouest du lac Kivu, un pli très urgent. Pour faire le trajet par terre, douze heures au moins sont nécessaires ; par le lac en pirogue, il n’en faut que quatre. Mais les Allemands avaient encore pour quelques jours la maîtrise des eaux. Malgré tout, on tente l’aventure et le sergent-major Kodja, un noir, s’embarque avec huit pagayeurs et longe les rives du Kivu, tâchant de se dissimuler. Tout à coup, un canot automobile allemand les aperçoit et s’avance sur eux, les sommant de se rendre sous la menace d’une mitrailleuse. Kodja répond à la sommation par un feu à volonté de ses huit hommes. Mais deux de ceux-ci sont tués et deux autres blessés, ce qui n’empêche pas que Kodja tire toujours. Soudain, le canot ennemi vire et fuit poursuivi par les balles du courageux soldat. Le mécanicien ennemi avait été grièvement atteint, ce qui détermina les Allemands à

  1. Communiqué par M. le commandant Cayen, chef d’état-major de la brigade Molitor.