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Kivu et aboutissent au poste allemand de Kissegnies que l’ennemi avait abandonné depuis le mois d’octobre 1914. Tous les sommets sont formidablement organisés. Pas une pente que ne batte un ouvrage capable de résister aux obus. L’ensemble est sinistre. Les versans grisâtres contrastent avec l’éclat du ciel. Cependant, à travers cette barrière redoutable, entre le Kama et le Nyondo, une trouée s’offre à l’audace de nos soldats. Mais à l’arrière-plan d’autres hauteurs, le Ruakadigi et la Bassa, placées au Nord de la rivière, semblent un gigantesque verrou tiré au travers du chemin. Le tac-tac sinistre des mitrailleuses est devenu l’irritante chanson des montagnes. Et de Kama et de Nyondo les canons allemands balayent le terrain que dans un périmètre moins étendu les balles fouillent plus en détail. D’autre part, vers Kansense et Obusiro la route qui réunit Kibati au somptueux plateau de Kavoye dans le Mulera est étroitement surveillée par l’ennemi. Du haut des monts Ruhengeri leur artillerie est maîtresse des chemins qui s’irradient autour de Kigali, le chef-lieu du Ruanda. Traverser le fleuve Mulera qui se trouve autour du lac de ce nom et du lac Ruhoudo, c’est se jeter sous une mitraille mortelle. Puis encore une position redoutable établie sur les crêtes du Kasibu interdit l’accès du chemin qui de Lutobo rallie Kigali. Enfin, sentiers et passes se faufilant à l’Est du lac Mugessera sont contrôlés par plusieurs détachemens dont les Belges ignorent encore l’importance.

C’est avec ces moyens défensifs auxquels concourent la garnison de Kigali et le dépôt de Wintgens que les Allemands occupent le Ruanda, pays splendide dont les molles collines boisées rappellent aux Belges la campagne ardennaise. La plaine immense ondule à l’infini et les prairies du plus vif vert émeraude alternent avec les vallons où courent des rivières rapides, vivantes et joyeuses. Mais voici la fin du jour. A peine s’annonce-t-elle, car le crépuscule n’a peut-être pas en Afrique ces nuances douces et dégradées qui dans nos climats font la calme beauté des couchans. Sur chaque colline le bétail se rassemble. On en voit les têtes par milliers, car c’est ici le royaume des vaillans Watuzi. Par un mirage étrange, ces troupeaux ne semblent compter que des bêtes bâties sur le modèle des vaches légères de la haute wallonie belge. Seules, leurs cornes plus longues et plus hautes diffèrent et vues sous