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jamais encore ils n’en avaient vu prirent leur vol et se dirigèrent vers eux dans un ronflement infernal. A l’approche de ces dieux nouveaux, les indigènes s’enfuient ! Et nos aviateurs[1]survolant la contrée ennemie reconnaissent les installations militaires, en dépit de l’opinion depuis longtemps reçue que la navigation aérienne était presque impossible au centre de l’Afrique. Des équipes de télégraphistes sillonnent la zone frontière et finalement elles auront posé plus de quinze cents kilomètres de fil. Il s’agissait d’organiser d’après les plus récens progrès, puis de maintenir dans cet état et de ravitailler 15 000 hommes à deux mille kilomètres de la base belge, Boma, — à trois cent cinquante lieues de la base anglaise, Mombassa. Et c’est ainsi que, de janvier à fin mai 1916, — 66 000 charges furent amenées de Boma à Stanleyville par steamers fluviaux et par chemin de fer. Puis, jusqu’au lac Kivu ces 66 000 charges durent être acheminées par la route des caravanes. Les porteurs devaient marcher pendant six semaines sous leur lourd fardeau et la chaleur du jour. Avant qu’un seul coup de fusil n’eût été tiré, la mort, déjà, avait commencé sa moisson[2]. Le climat et l’épuisante difficulté des communications devaient placer au premier plan le rôle du service médical. Chaque bataillon eut son médecin avec un infirmier blanc, chaque régiment son hôpital volant avec un chirurgien, deux médecins et un infirmier européen. Derrière chaque colonne se trouvait, à la base d’étape, un hôpital secondaire volant d’où après examen malades et blessés doivent être dirigés vers la base sanitaire générale et commune à toute l’expédition. De là, les convalescens regagneront l’Europe ou seront laissés au repos dans les missions. Grâce à ces sages prévisions, pas une seule maladie épidémique

  1. Les Belges réalisèrent ainsi les premiers l’aviation au cœur de l’Afrique Centrale, grâce à l’escadrille constituée par le commandant de Bueger, le capitaine Russchaert et les lieutenans Collignon, Orta, Behaeghe et Castiau, tous, depuis, faits chevaliers de l’Ordre de l’Étoile africaine.
  2. Une seconde ligne de transport est organisée par la côte britannique. De Mombassa, en bordure de l’océan Indien, à Port-Florence puis par le lac Victoria jusqu’à Bukakata et de là encore dix-sept jours de marche. Toutefois, cette seconde ligne, pratiquement encombrée déjà par les transports de l’armée anglaise opérant au Nord, ne peut servir aux Belges que pour le ravitaillement de première nécessité. Elle fut surtout utilisée par les nombreux officiers et sous-officiers qui du Havre venaient renforcer les cadres de la division coloniale. Cette voie représente, d’Europe en Afrique, un gain de plusieurs jours sur la durée du voyage.