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soldat de « Bula Matari[1] » révèle un courage et une robustesse, une agilité et une endurance insoupçonnés. Discipliné et d’un dévouement sans borne au blanc qui le commande, il a de plus une qualité inestimable : c’est de savoir vivre de rien. » Lorsque les lignes de communications s’allongent au point de mesurer des centaines de lieues à travers une nature sauvage et parfois hostile, savoir se passer de tout, quand il le faut, n’est-ce pas une des conditions essentielles au succès d’une semblable campagne ?

Le général Tombeur forme des compagnies, les groupe en bataillons, en fait des régimens qu’il réunit en brigades. Surtout, entre ces unités il assure les liens indispensables qui font d’une série de petits groupemens une force réelle : une armée avec tous ses services. Dès lors, le rôle du gouvernement devait être d’armer ces hommes. Et veut-on considérer un instant ces trois facteurs : se procurer l’armement, quand nos lignes en réclament et en usent tant ; le transporter sur l’autre moitié du globe, lorsque la route des mers n’est pas toujours sûre ; enfin, le conduire à pied d’œuvre à travers une grande partie du continent noir ? Encore n’était-ce pas tout. Cet armement devait être perfectionné et puissant à l’extrême, car les Allemands se trouvaient en ligne avec de la grosse artillerie et tous les moyens de combat dans lesquels ils ont eu trop longtemps, au cours de la guerre actuelle, une incontestable suprématie. En Afrique tout autant qu’en Europe il fallait réduire au minimum les sacrifices en hommes : aussi armes portatives et mitrailleuses, canons perfectionnés et engins spéciaux de toute nature, munitions, vivres, objets d’habillement et de campement, matériel sanitaire, tout afflua dans la colonie, pas le moindre détail ne fut laissé au hasard. Les Allemands avaient hérissé leurs lignes de fortifications redoutables. Les Belges leur opposent des grenadiers, des pionniers, des batteries de mortiers. D’abord maître du lac Kivu, l’ennemi doit se retirer devant la canonnière Paul-Renkin. Sur le Tanganyka, le Von Gotzen, le Von Wissman, unités puissantes, insultaient le rivage belge. Aujourd’hui, elles reposent au fond des eaux. Un jour, un vent de panique balaya les villages côtiers de l’Afrique Orientale allemande. Des oiseaux comme

  1. Nom que le noir donne aux Belges.