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L’OFFENSIVE GÉNÉRALE DES ALLIÉS

L’année 1916 s’annonce, enfin, plus favorable. Depuis dix-huit mois, tandis que l’ennemi nous dictait sa loi, les gouvernemens anglais et belge s’efforçaient, chacun de son côté, de regagner le temps perdu : l’un et l’autre réalisèrent des prodiges.

Au mois, d’août 1914, la Grande-Bretagne en réunissant ses effectifs disponibles à la fois dans sa colonie de l’Est, dans le Nyassaland et la Rhodésie, pouvait aligner à peine 4 000 hommes. En 1916, elle dispose de 42 000 soldats ! — dont 20 000 se trouvent autour du Kilimanjaro, 5 000 sur les lacs, 4 000 en bordure du Nyassaland. Fantassins, cavaliers, artilleurs, auto-mitrailleurs, techniciens, tout abonde. Et l’Afrique nous offre alors l’image réduite mais exacte de ce qui se passe en Europe. L’Inde[1]et l’Union Sud-Africaine[2]prouvent généreusement leur loyalisme et jamais encore, si l’on excepte la guerre anglo-boer, campagne coloniale n’avait provoqué semblable effort.

Au mois d’août 1914, la Belgique n’avait pas au Congo une armée coloniale formée en grandes unités tactiques. En 1916, elle peut engager 20 000 soldats[3]munis de tout et bien entraînés. Il va sans dire que le gouvernement du roi ne pouvait en aucun cas prévoir l’obligation de soutenir une campagne de conquête sous les tropiques. Mais, tout au moins, le noyau de cette armée existait, — le soldat noir du Congo, — et voici comment l’apprécie un des officiers qui l’ont conduit à la bataille :

« Admirablement dressé dans des camps d’instruction, le

  1. L’Inde envoie entre autres la 94e du Russel’s lnfantery, le Bombay Maxim Suns Volunteers, la Calcutta Voluntary Battery, le Madras Volunteer Motor Cycle : en tout, il y a seize formations spéciales. La cavalerie abonde en mules et chevaux. Quant au service sanitaire, il est organisé avec ce luxe de moyens qui honore l’Angleterre avant tout soucieuse du bien-être de ses défenseurs.
  2. L’Union Sud-Africaine venait, cependant, de conquérir par ses seules forces le Sud-Ouest africain. Elle avait, d’abord, dû mater une révolte intérieure, puis enrôler 60 000 hommes, dont une division se trouve en France et fut, depuis décimée sur la Somme dans l’attaque du bois Delville.
  3. La Grande-Bretagne, 42 000 hommes, — la Belgique, 20 000 hommes, — chiffre dont la comparaison est éloquente, si l’on veut comparer aussi l’importance des deux pays et se souvenir de l’état actuel du royaume de Belgique.