courageusement, par le sacrifice consenti de leurs deuils et de leurs souffrances.
Une autre forme de la lutte contre l’envahisseur consistait à préparer dans l’ombre la fuite de nos jeunes miliciens décidés à passer la frontière pour aller s’engager dans notre armée. Beaucoup de nos compatriotes subirent de ce chef des condamnations à plusieurs années de prison et même aux travaux forcés à perpétuité. Le général Fivé et le lieutenant Gille[1] furent les premières victimes (Liège, 7 janvier 1915) ; — miss Cavell, qui avait secrètement donné asile à des blessés anglais des premiers combats et qui avait patriotiquement travaillé à leur évasion, n’eut-elle pas à payer de sa vie son ardente générosité ? Et cette femme, cette infirmière de vocation, n’avait point eu d’autre souci, depuis plus de vingt ans, que de se dévouer au soulagement de toutes les misères ! Depuis l’occupation n’avait-elle point soigné les Allemands à l’égal de nos blessés ? Il nous fut répété que, le jugement de la peine capitale étant rendu, elle aurait noblement répondu à ses bourreaux et leur aurait dit : « En me condamnant à mort, vous supprimez une vie ; — moi, j’ai permis à deux cents soldats de rejoindre les nôtres, pour reprendre les armes contre vous ! » L’assassinat de miss Cavell souleva une indignation indescriptible. Une affiche avait été placardée aux murs et glaçait d’effroi les lecteurs qui pouvaient y voir le nom de cinq personnes, dont trois femmes, condamnées à mort, et celui d’une longue série d’accusés, condamnés de deux à quinze ans de travaux forcés ! Mais que penserez-vous en apprenant que, quelques heures plus tard, le même Gouverneur général édictait un autre arrêté où nous pouvions tous admirer son âme compatissante et les bienfaits de son administration ! Le dit arrêté était accolé à l’affiche tragique : « J’apprends, prononçait le gouverneur, que souvent en Belgique on aveugle les pinsons en cage sous prétexte de les faire mieux chanter. Je ne tolérerai point cette cruauté. »
Un des plus beaux exemples à l’honneur de l’âme belge, — cette âme belge que le gouverneur Von Bissing appelle un « rébus psychologique, » — nous le trouvons dans la vaillance du seul journal vraiment belge, La Libre Belgique qui, depuis deux ans, paraît régulièrement chaque semaine, en
- ↑ Le lieutenant Gille vient de mourir en captivité.