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Ne fut-il donc point, le vénéré primat de Belgique, avec toute l’autorité que lui confèrent ses hautes fonctions, sa dignité, sa conscience chrétienne, le porte-parole éloquent de l’indignation qui gonfle tous nos cœurs ? « Courage ! nous crie-t-il enfin, attendons le jour où nous pourrons, dans la paix de la victoire, nous serrer tous autour de l’autel triomphal de Marie libératrice. Courage, mes frères, soyez respectueux des enseignemens du Christ, soyez fidèles à la Patrie belge. »

Pour ce qui est de la résistance civique, nous l’incarnons, à Bruxelles, dans la personne de notre vaillant bourgmestre, M. Max, auquel nous ne pouvons songer sans émotion, en raison de la rude épreuve de sa longue et pénible captivité. Mais, à l’heure actuelle, il n’est plus possible de compter les victimes civiles de la guerre… Plus de six mille martyrs ont péri au début des hostilités, fusillés par la barbarie allemande… Aujourd’hui, des milliers de civils peinent, sous le bâton du garde-chiourme, là-bas, en Allemagne.

Au barreau, le bâtonnier de l’Ordre des Avocats, Me Théodor, fut déporté à son tour pour avoir fait entendre sa protestation contre l’arbitraire des juridictions allemandes. Voici quelques lignes empruntées à ce réquisitoire et qui en indiquent bien le ton : « Sans doute depuis qu’elle nous a envahis, l’Allemagne est devenue notre ennemie. Menacés par elle dans notre existence, nous la combattons avec toute l’âpreté d’un patriotisme enraciné. A elle, nous ne devons rien. En revanche, l’Allemand, sujet de droit, justiciable de nos tribunaux, est sacré à nos yeux. Qu’il comparaisse devant nos juridictions civiles ou répressives, il peut être rassuré, il ne connaîtra ni déni de justice, ni parti pris, ni malveillance, ni vexations… » Que de reproches tacites enfermés dans ces quelques mots !

Dans nos écoles même, ne sentait-on pas, au fond du cœur de nos enfans, la haine de l’intrus ? Quel beau sentiment de solidarité s’éveillait dans ces petites âmes, quelle admiration pour nos vaillans soldats absens, quel désir de se rendre utile, quel élan de patriotisme ! Chaque classe, selon les moyens dont elle disposait, adoptait un ou plusieurs prisonniers belges en Allemagne. Quelle satisfaction de préparer les colis, envois collectifs de tant de bons petits cœurs ! et quelle joie d’écrire la lettre qui devait réconforter le malheureux exilé !

Et jour après jour, les femmes et les mères, résistaient