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France, et les délégués de la C. R. B. s’avancent jusqu’à quelques kilomètres du front.

J’ai eu récemment l’occasion de faire la connaissance du président de la Commission for Relief à Bruxelles. Je ne pouvais assez lui dire tout ce que notre nation éprouve de gratitude pour la générosité de l’intervention américaine. Et comme j’exprimais de vives appréhensions pour le cas où les Etats-Unis, intervenant eux-mêmes dans le conflit, seraient obligés de nous abandonner : « N’ayez crainte, me dit-il, tout le service de ravitaillement est si bien organisé qu’il fonctionnerait malgré tout. »

Cette gratitude, qui est la même dans tous les cœurs, donna lieu à des manifestations bien touchantes. Des bateaux entiers étaient arrivés chargés de présens à notre adresse, et, parmi ceux-ci, il y avait des attentions charmantes des enfans d’Amérique pour les pauvres petits de Belgique ; dans nos écoles, même les plus populaires, les enfans furent chargés de répondre ; j’ai lu beaucoup de ces lettres et de ces réponses, et j’ai été profondément émue par les unes et par les autres.

Nos compatriotes cherchèrent encore à traduire leur reconnaissance d’une autre manière. La farine nous arrivait d’Amérique en d’innombrables sacs de toile : le plus souvent la provenance était indiquée sur le sac, en grands caractères imprimés, Massachusetts, Indiana, Cincinnati, et parfois aussi on y voyait un dessin caractéristique, tel qu’une perdrix, une tête d’Indien Peau-Rouge, le « big tree » de Californie, l’aigle américain. Nos dames et nos jeunes filles s’ingéniaient à peindre ces sacs ou a les broder, puis elles les renvoyaient en Amérique, afin qu’ils y fussent distribués en guise de remerciement. J’en ai vu qui étaient de véritables chefs-d’œuvre d’art féminin : on en fit des expositions. Le Musée du Cinquantenaire en a rassemblé une collection qui compte actuellement 300 spécimens.


LES VEXATIONS

Ce qui fait bien comprendre la vie si étouffante que nous menions à Bruxelles, c’est la série des petites vexations quotidiennes qui ajoutaient leur poids à la pression morale que l’envahisseur ne cessait d’exercer sur nous, dans l’espoir de