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accent, tout ce qu’ils ne contiennent pas. Il rassemble vivement les contraires. Faute de pouvoir tout saisir, il laisse tout entendre. Il s’évade toujours d’une idée trop courte. Il est complémentaire à lui-même. Jamais il ne s’abaisse et tout d’un coup il s’élève. Il raille, il déroute, il ne blesse pas. C’est un sel qui pique pour garder l’intelligence de toute corruption. Mais s’agit-il d’apprendre quelque nouvelle, le Parisien n’est plus d’humeur plaisante : son esprit est avide. Il court à l’autre bout de la Ville, il veut être informé de tout, il ne manque pas un spectacle, et cette curiosité universelle vient d’un cerveau incapable d’indifférence, épris d’activité, cherchant toujours la notion ou la nouvelle qui va le mettre en mouvement. Ainsi le goût de tout comprendre lui donne la passion de tout savoir, car c’est la faculté de connaître qui est toujours affamée en lui.

Ne fut-il pas toujours informé de l’évolution universelle ? Les siècles ont placé sa Ville à cette boucle heureuse de la Seine où convergent les rivières et vers laquelle se dirigent les chemins naturels de la France. Ceux qui lui viennent apporter tout ce qui se vend lui apprennent tout ce qui se passe. La terre qui l’environne lui offre du blé, des forêts, de la pierre à bâtir. Aussi dès longtemps lui devint-il naturel de tout considérer sans étonnement comme de bien user de toutes choses, et c’est justement son caractère de ne s’enfermer jamais dans rien qui soit trop particulier. Regardez au portail de Notre-Dame l’expression de ce beau Christ parisien qui bénit la Vierge couronnée. Ses traits réguliers assemblent ce qu’il y a de parfait dans vingt autres figures, son visage bien construit respire une divine sagesse et la lumière éclairant son front n’est que le pur rayon des idées générales. Ce bel équilibre dont un vieux tailleur de pierre fil le sourire d’un visage sacré, tout Parisien en conserve l’aisance dans la justesse de ses impressions. Le bon jugement est son titre de noblesse, et de là vient qu’en s’en allant à son travail, il regarde avec contentement la Tour Saint-Jacques, la Colonne et les Invalides. Tout l’univers étant venu chez lui pour le renseigner, il a édifié ses monumens, il a perfectionné ses arts, il a répandu son esprit pour former l’univers, et sa tête reste libre pour faire honneur au monde entier.

Tel est l’homme que les reitres allemands prétendirent intimider. Mais on ne lui en impose, son esprit se rencontrant