Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La forte constitution de Paul Leroy-Beaulieu le soutint longtemps. A son retour des vacances de 1916, personne ne constatait chez lui la moindre décadence. A la fin d’octobre, un rhume faillit l’empêcher de prendre la parole à la séance solennelle de l’Union des pères et mères dont les fils sont morts pour la patrie, qu’il avait promis de présider, le 2 novembre. Sa toux profonde nous avait même un peu inquiétés, lors d’une assemblée préparatoire du comité d’organisation. Cependant, à la date fixée, il entra dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, en très bonne apparence, et put prononcer, d’une voix claire, son émouvant discours, exprimant éloquemment tout ce que ressentait son cœur ulcéré, dans cette journée de commémoration des morts. Les applaudissemens unanimes d’une salle comble durent le réconforter. Il reconduisit allègrement Mn, e Poincaré à sa voiture, en remerciant M. le Président de la République d’avoir honoré de sa présence cette touchante cérémonie. Cinq semaines plus tard, survenait la date fatale du 9 décembre !

Un refroidissement, contracté au cours d’une promenade solitaire dans le bois de Boulogne, avait suffi pour enlever presque subitement à la France un des hommes qui l’ont le plus honorée et le mieux servie, dont la grande réputation à l’étranger avait propagé notre influence dans toutes les parties du monde, contribuant à y faire rayonner notre grandeur intellectuelle, et qui occupera toujours, dans le souvenir de ses fidèles amis, une place hors ligne de respect et d’affection.


RENE STOURM.