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réédition comportant de nombreuses retouches et additions. Les préfaces de plusieurs d’entre elles, d’ailleurs, sont datées de Montplaisir.

Mentionnons, en outre, ici, à propos des rééditions de ses œuvres, leurs nombreuses traductions en anglais, espagnol, russe, hongrois, portugais, même japonais, ce qui atteste la grande célébrité mondiale dont il jouissait.

Sa femme, dévouée à son cher Paul, l’aidait dans ces divers travaux, non pas, certes, en corrigeant, ou en rédigeant, à sa place, mais en lui rappelant chaque matin son programme et en lui épargnant tous les soins subsidiaires de correspondance, de lettres de rappel, etc. A ses débuts au Collège de France, elle avait fidèlement assisté à ses cours, afin de critiquer, disait-elle, les imperfections du professeur, imperfections de forme, de diction, de gestes, d’attitude, et je crois qu’elle se montra très efficacement sévère, puisque son mari lui en témoigna toujours beaucoup de reconnaissance. Peut-être, plus tard l’entraina-t-elle un peu imprudemment dans la politique, où elle ambitionnait de le voir entrer. Mais ensuite, combien sut-elle adoucir ses ennuis et soutenir son courage, quand survinrent les élections disputées de 1889 et 1890[1] ! En toute occasion elle s’associait à lui, et en fut bien récompensée, car il n’y a pas d’exemple de couple plus uni.

Mme Michel Chevalier, ancienne propriétaire du domaine et conservant encore une ferme aux alentours, passait l’été à Mont-plaisir. Malgré son grand âge, elle tenait encore des conversations pleines de charme. Ses souvenirs évoquaient habituellement l’époque heureuse où elle épousa Michel, dont elle prononçait le prénom avec une affection non dissimulée. De sa voix pénétrante et flûtée, elle faisait repasser devant nos yeux les agissemens de la société du temps de Louis-Philippe, très finement contés, et le nom de la famille Paturle, ou autre, surgissait, tout à coup, de son récit comme celui de voisins d’hier. Les fêtes du second Empire, les honneurs dont Michel avait été justement comblé, et beaucoup d’autres choses plus actuelles, revenaient à sa mémoire. Sans avoir besoin d’y mettre de la politesse, on ne se lassait pas de l’écouter.

  1. Paul Leroy-Beaulieu a publié, en 1890, une brochure très documentée, intitulée : Un chapitre des mœurs électorales en France, dans les années 1889 et 1890.