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plus tard, aux banquets annuels de l’École, devenue florissante, voulait bien rappeler plaisamment combien ma présence l’avait intimidé, autant d’ailleurs que celle de ses élèves, dans le petit local de la place Saint-Germain-des-Prés où, pour la première fois, il affrontait le public. Le sujet de son cours était l’Income-tax anglais, et le professeur, avec simplicité, sans chercher à faire de l’éloquence, enseignait doctement les mystères des cinq cédules à un auditoire d’âge assez mélangé, qui applaudissait franchement. Est-il indispensable d’ajouter que le cours de finances se développa merveilleusement entre les mains de son éminent titulaire, qui possédait d’ailleurs l’étoffe d’un orateur ? Nous le verrons plus loin.


La fondation de l’Économiste français, en 1874, marque, dans notre esprit, la limite des œuvres de jeunesse de Paul Leroy-Beaulieu, non pas certainement qu’on cesse d’être jeune à trente et un ans ! mais parce que la direction d’un périodique, patronné par de hautes autorités, devient une œuvre d’homme mûr. Et puis, la jeunesse est une époque de préparation, que la précocité de Paul Leroy-Beaulieu avait rapidement franchie. Il ne s’agissait plus désormais pour lui que de construire le grand édifice, dont les matériaux se trouvaient presque en place.

Entre temps, d’ailleurs, son mariage avec Mlle Cordelia Michel Chevalier, le 3 mai 1870, l’avait introduit dans une sphère de talens, de notoriété et de position sociale, qui lui imprima immédiatement le caractère d’un homme arrivé, ou bien près de l’être. A la cérémonie de la chapelle du Sénat, assistaient, comme témoins, le ministre du Commerce d’alors et l’ambassadeur d’Angleterre, lord Lyons, avec une foule, dit le compte rendu, de sénateurs, de députés, de membres de l’Institut et du Conseil d’Etat. Michel Chevalier était membre de l’Académie des Sciences morales et politiques depuis 1851 et professeur au Collège de France depuis 1840. Son gendre ne va pas tarder à siéger près de lui à l’Académie, et il le suppléera au Collège de France en 1879, pour lui succéder en 1880, dans la chaire d’économie politique qu’il occupera pendant trente ans. Ce ne sont pas là des places qu’on obtient par la faveur. Son mérite personnel seul lui permit donc de profiter