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chapeau de paille à ruban noir de l’Alliance israélite universelle. Il y a, aux premiers rangs, un parterre de mioches entre cinq et sept ans ; toute une floraison de mignonnes figures et de grands yeux levés vers moi. Petites filles de Salonique, j’ai eu deux petites filles, et c’est à elles que je veux penser, comme j’ai pensé à leur frère lorsque vos frères m’écoutaient. Mes petites filles ont grandi. Elles n’ont pas besoin qu’on leur commente les leçons de la guerre ; mais, si elles avaient encore votre âge, je ne leur parlerais pas autrement qu’à vous. Je leur dirais toute la souffrance qui peut atteindre une enfant, parmi la souffrance immense du monde, et le bien que deux petites mains peuvent faire, et la douceur qu’un tendre petit cœur peut épancher sur les blessures et sur les deuils. Je leur montrerais nos « tricoteuses » innocentes, travaillant pour les soldats inconnus, les marraines, fées puériles, préparant les étrennes du poilu, dans toutes les écoles de France, et les sœurs aînées qui remplacent la mère auprès des petits, et les paysannes de dix ans qui bêchent le jardin et soignent les bêtes, en écoutant au loin le bruit du canon, comme Jeanne d’Arc, enfant, écoutait les voix des Saintes.

Et puis, je cède la place aux personnages muets, si éloquens par leurs gestes et leurs attitudes, qui vont défiler sur l’écran. Le piano joue les hymnes des Alliés ; les images mobiles surgissent et passent : c’est une revue en Artois ; ce sont des cavaliers marocains en Belgique ; c’est le général Sarrail visitant une tranchée. Enfin, — comme le bouquet d’un feu d’artifice, — c’est la sensationnelle vision du Zeppelin abattu aux bouches du Vardar, vision saluée par des « hourras » de dérision. Les enfans saloniciens savent ce qu’a coûté à leur cité la première visite de cet engin maléfique.


— Vous vous croyez quitte envers nous, pour aujourd’hui ! me dit un des organisateurs de la fête enfantine. Pas du tout. Ce soir, à neuf heures, nous donnons une autre séance en plein air, aux environs de Salonique, pour divertir un peu de vieux territoriaux, des « pépères » qui ont le cafard. Le commandant — du *** vous invite. Vous ferez une troisième causerie !

— A des « pépères ? »

— Excellent public. Ces braves gens comptent sur vous.