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Et c’est à lui que je pense, à ce petit garçon d’hier qui est presque un homme puisqu’il va être soldat, au prochain appel. Je ne peux m’empêcher de parler de lui, à mon public, — et voilà que le public manifeste aussitôt une sympathie débordante. Les gamins qui sont là me sentent plus près d’eux. Ils veulent tous que je sois avec eux « comme avec mon petit garçon. » Et c’est très facile !

D’autant plus que la conférence n’a rien, plus rien du tout, d’une vraie conférence. Mes auditeurs répondent tout haut quand je les interroge, et ils expriment leurs sentimens francophiles avec une chaleur croissante. Nous parlons de ces enfans qui ont remplacé leurs pères auprès des mamans solitaires et endeuillées, des petits boys-scouts, — « Nous en avons aussi à Salonique, madame ! » — des orphelins réfugiés de Belgique et du Nord, pareils à ces pauvres Serbes que l’on peut voir ici même, et à ces malheureux enfans grecs qui habitent Lembet et les vieux quartiers.

Je n’oublie pas les aventures des poilus en herbe qui fuirent leurs familles pour « aller au front, » et qui se battirent comme des hommes, lorsqu’ils ne furent pas rattrapés, à temps, par les gendarmes et rendus à leur mère éplorée. Et je raconte aussi les jeux nouveaux qui sont le simulacre de la guerre, les soldats de plomb, les aéroplanes en papier, les canons de 75 qu’abrite un caillou, les petites filles déguisées en infirmières… Et comme toute une philosophie tient quelquefois dans un croquis de Poulbot, j’essaie de montrer, dans les jeux, dans les boutades, dans les attitudes et les réflexions de nos enfans, la leçon de la guerre, la puissance des exemples paternels, et comment le fils d’un patriote et d’un soldat devra être un tout autre homme que le fils d’un homme faible et lâche.

Ce n’est pas faire l’apologie de la guerre… Rien n’est plus contraire à ma pensée ! Mais il y a des vérités élémentaires qu’on ne saurait trop répéter, en ce pays où trop de gens, par couardise et par intérêt, font chaque jour l’apologie de la servitude.

Avec les petites filles, il faut changer de manière et prendre un ton plus doux. Elles sont arrivées en masse, ces charmantes petites, après le tumultueux départ de leurs frères. Voici les élèves des Sœurs qui se rallient aux cornettes blanches, les jeunes filles du Cours secondaire et les écolières portant le