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juifs, musulmans, catholiques, élèves des Lazaristes, élèves de l’Alliance Israélite, élèves de la Mission laïque, élèves des écoles deunmehs, le Service cinématographique de l’A. O. les a réunis dans cette salle, pour leur montrer des films pris sur le front de France et sur le front macédonien. Et ce qui constitue, pour moi, l’intérêt de cette fête scolaire, c’est que tous ces enfans, s’ils font du tapage, le font en français !

Oui, tous. C’est en français qu’ils se chamaillent ; c’est en français qu’ils répondent aux remontrances de leurs maîtres, et quand, tout à l’heure, je m’adresserai à eux, il me faudra un effort pour ne pas me croire dans une salle parisienne. Mes auditeurs parlent français, écrivent, lisent, étudient en français, quelles que soient leur race et leur foi religieuse. Et il y en a huit mille comme cela, huit mille garçons et filles, élevés dans les écoles saloniciennes et nourris de la pensée française.

On m’a demandé de leur faire une conférence, — ou plutôt deux causeries familières, car aux cinq cents garçonnets succéderont cinq cents petites demoiselles israélites, catholiques, orthodoxes, etc. J’ai accepté avec plaisir, mais avec la ferme intention de ne pas les ennuyer, ces pauvres enfans, par des considérations politiques et morales…

Je vais donc, tout simplement, leur raconter « ce que la guerre apprend aux enfans de France, » c’est-à-dire comment vivent, pensent et sentent nos petits Français depuis deux ans, comment leur existence a été modifiée par les événemens dont ils subissent le contre-coup, et quelle sorte de souvenirs et d’enseignemens ces années de guerre laisseront dans les âmes de nos garçons et de nos filles.

Quand on s’adresse à un auditoire composé d’élémens divers, il faut songer, avant tout, aux gens les moins instruits, et, quand on parle à des enfans, il faut faire en sorte que les plus jeunes puissent comprendre. Il ne s’agit pas de « parler bébé, » mais seulement de bien choisir les mots. C’est quelquefois une difficulté pour un professeur. Ce ne peut pas être une difficulté pour une femme qui a causé, beaucoup, avec ses propres enfans. Et je n’ai eu qu’à me rappeler le temps, — qui me paraît bien proche, — où mon petit garçon à moi me faisait raconter Samson, Goliath, Ulysse, les Sirènes et le Cyclope !