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peu, afin d’assurer aux pupilles de Dame Pédagogie une sécurité dont pour lui-même il n’a cure.

Le Grand Quartier Général est tout à l’opposé du Lycée français, et voisin du port. Il occupe un vaste bâtiment, dans la rue de Salamine, rue assez courte et plutôt large, bordée de hautes maisons modernes, formant arcades, comme celles de notre rue de Rivoli. Les automobiles militaires y stationnent. Il y a, du matin au soir, un va-et-vient continuel d’officiers français et anglais, et même d’officiers serbes, — bien que l’armée serbe commence seulement de débarquer et cantonne assez loin de la ville. Bureaux d’état-major, bureaux de la marine, bureaux de tous les services qui pourvoient aux besoins d’une armée, tous se sont installés dans cette rue, où, plus sûrement que dans la rue Venizelos, on peut voir défiler les « grands chefs » et leurs satellites de moindre importance.

Je ne connais pas beaucoup ce monde militaire qui me déconcerte et m’intimide un peu, bien que j’y aie trouvé toujours l’accueil le plus courtois. Mais je sais le prix du temps et j’aurais scrupule à prendre celui des soldats qui doivent ici travailler pour la France. Les personnes qui ont pu, dans leurs momens de liberté, m’aider de leur expérience ou de leurs conseils, savent que je leur en suis très reconnaissante, et ils savent aussi que, bien souvent, je n’ai pas voulu en user de peur d’en abuser, et que je me suis imposé à moi-même la plus grande discrétion.


Un de mes plus émouvans souvenirs, c’est la promenade que je fis, dans le camp retranché de Salonique, avec le meilleur des guides, celui qui peut tout voir et passer partout. Cette promenade, que des circonstances imprévues prolongèrent jusqu’aux premières lignes, me donna, mieux que toutes les cartes et tous les récits, une idée du pays macédonien. C’était quelques jours après le raid du Zeppelin : ce début de mai avait encore sa douceur printanière, malgré le soleil déjà cuisant et les orages qui menaçaient. Je revois, au sortir de Salonique, bien après les faubourgs et les agglomérations militaires de Zeitenlik, la route de Monastir se dérouler, dans une plaine basse, très verte, et le Vardar se traîner lentement parmi les joncs épais et les saules. Où nous avons passé exactement, je ne saurais