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complaisant qu’on a si longtemps pris à témoin, chez nous et chez d’autres, de la certitude de notre victoire.

Tout le monde est d’accord là-dessus. Mais il existe des divergences d’avis sur les modalités de l’effort décisif que nous devons fournir. Dans les milieux officiels, on parait convaincu qu’il suffira de développer, de perfectionner les procédés de recherche, de chasse et de destruction des sous-marins déjà mis en œuvre dans la phase précédente, tandis que quelques marins, constatant à la fois, non pas l’insuccès, mais l’insuffisance des résultats donnés par ces procédés et la création par nos ennemis de navires de plongée beaucoup plus puissans à tous égards, se demandent s’il n’est pas temps d’instaurer une méthode nouvelle, d’ailleurs indiquée depuis longtemps ici même, celle qui consiste à s’en prendre, par des opérations méthodiques, aux bases des submersibles allemands.

J’aurais été toutefois assez embarrassé pour parler de ces opérations[1] si, à la fin de janvier, l’Amirauté anglaise n’avait annoncé l’heureuse décision qu’elle a prise d’établir un immense barrage de mines et autres engins dans la mer du Nord, en avant et à plus ou moins grande distance du camp retranché maritime dont la lisière est marquée par les trois points Sylt, Helgoland et Borkum. Incontestablement, c’est là de la guerre de côtes ; et il suffit pour s’en convaincre d’examiner, — c’est ce que je ferai tout à l’heure, — les conséquences à peu près inévitables de cette délicate et hardie entreprise.

En attendant, établissons par quelques exemples, qui nous fourniront d’ailleurs nombre d’indications utiles, ce fait historique qu’une longue guerre à la fois continentale et maritime se termine très souvent par des opérations purement côtières, quand ce n’est pas par le siège d’un grand port, arsenal et base d’opérations de la force navale ennemie.

Ne remontons pas au-delà de la guerre de l’Indépendance américaine : il suffit de rappeler Yorktovvn, Trinquemalé où Suffren trouve la consécration de sa supériorité, Gibraltar enfin, où l’Angleterre reste, victorieuse, ce qui n’empêche point qu’épuisée par la lutte, elle signe la paix de Versailles, en reconnaissant l’indépendance de ses colonies.

Le siège de Gibraltar a ceci de particulier et qui nous

  1. Embarrassé, dis-je : empêché, plutôt…