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Wurtembergeois ? Quoi qu’il en soit, la brillante opération du 8le bataillon demeura isolée et n’eut point les conséquences qu’on en pouvait attendre. L’ennemi eut le temps de se fortifier aux abords de la ville, principalement dans la rue des Cités, perpendiculaire à l’avance des chasseurs.

Quand le 51e bataillon, dispersé par l’attaque à la baïonnette et qui avait encore perdu deux officiers, les lieutenans Birmann et Gouyt, eut été rassemblé, une section fut envoyée en avant par un commandant d’infanterie. Sa mission était de reconnaître l’entrée de la ville et de protéger par ses feux l’avance des troupes qui devaient aborder, quelques instans après, le quartier de la Bolle, incendié au pétrole par les Allemands. Les renforts attendus, annoncés, n’arrivèrent pas. Quel dommage ! L’ennemi, à cette heure, était nettement dominé. La gare n’était plus occupée. Une mitrailleuse allemande tiraillait, sans blesser personne, comme si les tirailleurs affolés eussent été incapables de prendre la ligne de mire… L’occasion fut perdue.

Les chasseurs de la section envoyée en reconnaissance eurent la joie, dans cette déception, de trouver, vers huit heures du soir, dans une maison de la rue de la Bolle, le sous-lieutenant Allier, qui s’était avancé le plus loin possible dans la direction de l’ennemi. Ils avaient la plus grande confiance en ce jeune officier. La veille, on l’avait vu à l’œuvre, avec sa mitrailleuse, sous les arcades de l’hôtel de ville. Malheureusement, dans la bousculade de la contre-attaque, il s’était trouvé brusquement séparé de ses hommes, qui le croyaient tuée

— J’espère sous peu les retrouver ! dit-il au caporal-fourrier Chaumont.

Les Allemands étaient si près qu’ils entendirent le sous-lieutenant parler avec le caporal et ouvrirent un feu très vif dans leur direction. Le jeune officier commanda le silence aux braves gens, un peu disparates, que le hasard mettait sous ses ordres, et qui, tout heureux de trouver un chef, ne voulaient plus le quitter. La nuit tombait, très calme, ralentissant le combat, ramenant, après les rudes instans de la lutte et de l’agonie, les doux momens du sommeil et du repos.

Tout à coup, dans le jardin de la maison occupée par cette troupe isolée, le caporal Chaumont croit entendre un bruit de feuilles remuées. Il s’avance vers l’endroit d’où venait ce bruit