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II. — LA BATAILLE DES RUES

Durant toute cette douloureuse journée du jeudi 27 août 1914, le 51e bataillon avance tour à tour, et se replie à travers la ville bombardée, au gré des fluctuations de cette lutte inégale. Un moment vient où, la position n’étant plus tenable, il se retire, par le quartier de la Bolle, au lieu-dit « les Tiges. » Survient, à ce moment critique, l’ordre de rentrer dans la ville et de « la défendre jusqu’au bout. » C’est effectivement ce que tentent les alpins, sous une rafale d’obus, tirée de Sainte-Marguerite et de Provenchères. Que faire là contre, avec des fusils et des baïonnettes ? Rue d’Alsace, les tirailleurs bavarois se sont dissimulés dans les mansardes des maisons barricadées, et tirent à bout portant sur les chasseurs. Rue de la Prairie, les alpins réussissent à se retrancher derrière une barricade bien organisée, où ils peuvent éviter les ricochets. Arrive un obus, démolissant la barricade, tuant ou blessant tous les défenseurs. Un instant, les survivans de cette catastrophe se groupent autour d’un commandant d’infanterie, qui fait preuve d’une énergie extraordinaire, et qui, parmi les décombres fumans et les cadavres palpitans, fait face à l’ennemi, le revolver au poing. Un obus tombe dans la rue, un autre sur une maison dont le toit s’effondre… Les combattans, ébranlés par la secousse, paralysés par le déplacement d’air, voient chanceler, dans un nuage d’étouffante fumée, le commandant blessé.

Au Nord de la ville, le sous-lieutenant Allier, — avec ses quelques hommes, un sous-officier du 62e bataillon alpin, le sergent Yvert, et son unique mitrailleuse, — ne s’était replié que lentement. Avant de se diriger vers les rues du centre, il veut s’assurer si le bataillon est poursuivi. Il improvisé une position défensive, et envoie un chasseur en reconnaissance. Celui-ci revient, disant :

— Les voilà, ils avancent en colonnes par quatre et sont très nombreux. Sauvons-nous, mon lieutenant !

— Non, s’écrie l’officier, il faut les attendre !

En effet, au moment où les assaillans débouchent en formation serrée, au bout de la rue, un feu terrible les accueille. Leurs premiers rangs sont fauchés. Pris de panique, ils se sauvent en désordre, cherchant à se réfugier dans les maisons,