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Cet exode ressemblait aux migrations en masse qui dépeuplaient jadis le pays des Lorrains, lorsque les Hongrois ou, comme on disait autrefois, les Ogres, venaient, par leurs incursions périodiques, ravager nos marches de l’Est.

C’était une panique, un sauve-qui-peut. On s’évadait de Saint-Dié comme d’une souricière. Bientôt, dans cette ville infortunée, autour de laquelle l’encerclement fatal se resserrait d’heure en heure, il n’y eut que des blessés, des malades, des religieuses, des prêtres, des magistrats, des fonctionnaires publics ou des employés de la ville, et les habitans courageux qui n’avaient pas voulu abandonner leurs foyers sous la menace de l’envahisseur. L’évêque de Saint-Dié, Mgr Foucault, ne quitta pas son siège épiscopal. Le supérieur du grand séminaire, M. le chanoine Gentilhomme, demeura fidèle à son poste. Nombreuses furent les femmes qui, dans ces circonstances tragiques, ont fait preuve d’un courage viril. Ne pouvant les nommer toutes, on citera notamment la sœur Rose et Mlle Marcelle Ferry, qui rivalisèrent de zèle et de courage, en restant, au péril de leur vie, près du chevet de leurs blessés. Des jeunes filles de dix-neuf ans, Mlle Germaine Marchal, Mlle Adrienne de Lesseux, allaient, en automobile, chercher des blessés sous le feu de l’ennemi.

Dans cette situation terrible, les deux adjoints, MM. Louis Burlin et Ernest Colin, le directeur des travaux de la ville, M. Kléber, M. Lavalle, receveur municipal, M. Gérard, secrétaire de la mairie, M. François, président de la Croix-Rouge, et quelques autres personnes de bonne volonté avaient pris la direction des affaires municipales et assumé la périlleuse mission de soutenir, le cas échant, les intérêts de la ville contre les exigences du vainqueur.

Cependant la résistance armée continuait, malgré les conditions défavorables où se trouvaient nos troupes, dispersées en colonnes volantes, disloquées par paquets, sans liaison possible avec le haut commandement, menacées, à chaque instant, d’un désastre irréparable par les mouvemens concentriques de l’ennemi.

Ces mouvemens étaient contenus, dans toute la mesure du possible, sur tous les points où s’exerçait la formidable pression. Les Allemands n’avaient pas pu déboucher par le col du Bonhomme. Arrivés à Coinches, à sept kilomètres de Saint-Dié, dès