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Retorderies de l’Est, » désignés pour leur cantonnement, les chasseurs pouvaient lire, sur les murs des édifices publics, le texte des affiches par lesquelles la municipalité invitait la population au calme et à la confiance. Ce fut un moment de répit cordial, avant les heures sanglantes.

A dix heures trente, ordre de départ. La majeure partie du bataillon, rassemblée devant l’église Saint-Martin, sur la vaste chaussée, défile au pas cadencé, sous un soleil ardent, et traverse le pont de la Meurthe, tourne à droite et prend la route qui monte au hameau nommé Dijon, situé sur des terrasses gazonnées, à la lisière des bois d’Ormont, tandis que la 9e compagnie, sous les ordres du capitaine Aweng, est désignée pour aller faire des tranchées dans la plaine, sur la route nationale, aux abords de Sainte-Marguerite. Deux compagnies, commandées par le capitaine Rousse-Lacordaire, se déploient en avant de Dijon, sur les hauteurs de la vallée de la Fave, tandis que les compagnies de réserve et la section de mitrailleuses cantonnent au lieu-dit Gratain, sur des pentes[1] d’où l’on découvre les toits rouges de Saint-Dié, les maisons de grès rose, éparpillées dans la verdure, et tout le décor montagneux où s’encadrent ces jolis paysages qui semblaient faits pour abriter un bonheur épris de solitude alpestre, en de paisibles villégiatures d’été : le chemin du Paradis, les clairières voisines de la roche du Sapin-Sec, les retraites mystérieuses de la Croix du Rendez-Vous, lieux charmans, naguère égayés d’aimables visions, désormais hantés de sinistres fantômes…

Toutefois, la nuit du 25 au 26 août fut assez calme. Dès l’aube du 26 août, on se mit au travail. Des tranchées furent creusées à la hâte. Cinq gourbis abritèrent les mitrailleurs et leurs mitrailleuses. Plusieurs taubes survolaient la position, repéraient les chasseurs alpins.

C’est ce jour-là, mercredi 26 août, à dix heures, que commença le bombardement de Saint-Dié[2]. On s’était furieusement battu, les jours précédens, sur tout le front des Vosges : le 19 août à Rosenthal, le 22 à Saint-Blaise, à Stampoumont, où le 11e et le 12e bataillon de chasseurs alpins furent chargés

  1. Les cotes 459 et 320.
  2. Ont péri, dans ce premier bombardement d’une ville ouverte, Willemain (Eugène), 47 ans ; Hummel (Edouard), 69 ans ; Colin (Augustine), 23 ans ; Simon (Jeanne), 16 mois, etc. (Note de M. Burlin, adjoint au maire de Saint-Dié.