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section de mitrailleuses du 14e bataillon résista pendant cinq heures au plus violent bombardement, et se fit décimer plutôt que de se rendre, au Champ-du-Feu[1].

De tous les côtés, par toutes les brèches des Vosges, par toutes les coupures de la frontière béante, la Bavière et le Wurtemberg précipitaient sur nous, comme au temps des invasions d’autrefois, leurs fantassins et leurs cavaliers innombrables. On a dit, avec raison, que l’offensive des Allemands par le Nord a échoué sur la Marne et sur l’Yser. Il faut dire aussi que leur offensive par l’Est a échoué sur la Meurthe et sur la Mortagne.

Au secours de la ville de Saint-Dié arriva, dans la matinée du 25 août, dès l’aube, le 51e bataillon de chasseurs alpins. On jugera de l’état d’esprit et, comme on dit, du « moral » de cette troupe, en lisant ce qu’écrivait, quelques jours avant l’heure du départ, un des officiers de ce bataillon, le sous-lieutenant Allier, chef de la section de mitrailleuses, qui disait à ses parens, en parlant de ses hommes :


Je les ai regardés chacun dans les yeux, et leur poignée de main m’en a appris plus long que des discours : nous pouvons partir ensemble ; leur âme est trempée. Espérons que ce sera bientôt ! Tous sont impatiens de partir, et une trop longue attente serait déprimante.

Qu’il fait bon vivre de telles heures ! Il m’est impossible de vous décrire les émotions profondes qu’éprouve un officier dans de tels instans. Cela vous paraîtrait de la littérature. Je viens de recevoir un fanion. Puissé-je le rapporter dans quelques mois, troué de balles ! C’est un fanion bleu, bordé de jaune, en forme de flamme. D’un côté il est orné d’un grand cor de chasse, de l’autre il porte l’insigne des mitrailleurs : deux canons croisés, avec l’inscription :

51e Alpin
Section de mitrailleuses.


Le 51e bataillon, ainsi entraîné par un élan d’émulation juvénile et vibrante, muni de force morale, animé par la parole et par l’exemple de ses chefs, était depuis longtemps prêt à partir en campagne, équipé de neuf avec un soin extrême. Le jeune officier, dont la lettre qu’on vient de lire atteste les résolutions intrépides et joyeusement stoïques, écrivait à ses parens, le 10 août :

  1. Voyez le Diable au Cor, du 16 mai 1915.