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entendent réaliser leur rêve nouveau de « banquiers du monde, » — World’s banker, — pour le plus grand profit du monde… et d’eux-mêmes.

Il se peut que les Allemands voient la chose d’assez mauvais œil ; quant à nous, Français, qui n’avons qu’à nous louer durant cette guerre des procédés américains à notre égard ; nous qui n’avons à redouter dans l’avenir aucun conflit avec la nation pour l’indépendance de laquelle nous avons jadis versé notre sang, nous n’avons qu’à nous féliciter de cette organisation nouvelle, qui pourra nous servir, lors de la conclusion de la paix, de barrière la plus efficace aux tentatives d’invasion industrielle de la Germanie. C’est donc avec un intérêt sympathique que nous la voyons surgir.

Cette « corporation, » société d’études et de lancement, débute avec le capital ultra-modeste de 250 millions de francs. Ses administrateurs pouvaient le souscrire entre eux sans trop de gêne ; elle n’a fait aucun appel au public. Ce qui signale en effet cette entreprise, c’est, avec l’étendue de son programme, le groupement sans précédent de tous les chefs, de tous les « rois » si l’on veut, de la banque et des grandes industries, de l’électricité ou de la viande, des chemins de fer ou du pétrole, des aciers, des cuivres, des bateaux, etc. Elle réunit des hommes et des sociétés qui, depuis des vingtaines d’années se sont combattus à outrance ; les pro-germains y fusionnent avec les amis des Alliés et, quoique cette gigantesque collaboration de tant de forces dût sembler au gouvernement un odieux monopole, c’est au contraire avec l’assentiment et de concert avec le secrétaire d’État du Commerce que les promoteurs ont élaboré leur plan ; preuve qu’il s’agit ici d’une affaire pour ainsi dire nationale.

Elle se propose, dit sa charte d’incorporation, d’ouvrir de nouveaux marchés aux produits américains, de régénérer et développer, tant par ses capitaux que par ses ingénieurs et par ses manufacturiers, les entreprises industrielles dans les pays étrangers, y compris les affaires connexes qui pourraient, aux États-Unis, concourir à la même fin.

Pour commencer, la « Corporation » vient d’acquérir, en union avec les Compagnies de navigation Atlantique et Pacifique, le plus grand chantier de constructions maritimes, — le New-York Shipbuilding C°, — dont elle double la puissance de