Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coup plus que la viande elle-même, dont une bonne part est au contraire introduite d’Argentine aux États-Unis à l’état frigorifié, au plus grand profit des importateurs.

Ainsi, ces produits qu’ils vendent à l’Europe, les États-Unis les ont, ou transformés ou créés tout exprès pour elle depuis la guerre : sur un million de tonnes de zinc que le monde civilisé consommait en 1913, la moitié venait d’Allemagne et de Belgique et 320 000 des États-Unis. La disparition partielle de ce métal fit tripler son prix. Aussitôt, les fonderies américaines multiplièrent à l’envi leurs cornues et leurs fours : en 1915, elles offrirent 500 000 tonnes, à la fin de 1916 leur capacité est portée à 824 000 tonnes, soit 150 pour 100 d’augmentation depuis deux ans. L’American Zinc qui perdait, en 1913, 169 000 dollars, qui en gagnait seulement 77 000 en 1914, a gagné 5 millions de dollars en 1915 et 7 millions et demi en 1916.

On ferait les mêmes observations sur la production de l’aluminium, qui a quintuplé aux États-Unis, où il atteint 100 000 tonnes, contre 22 000 en 1913 ; sur celle du tungstène, métal employé pour durcir l’acier des machines-outils et des tours à grande vitesse, dont la consommation est présentement énorme. Une véritable fièvre du tungstène, rappelant la fièvre de l’or en 1859, règne en Californie et au Colorado, où des camps s’élèvent du soir au matin. Quoique l’extraction ait doublé, ce minerai se vend 11 500 francs la tonne, et les États-Unis, incapables de suffire à la demande, en importent de l’Amérique du Sud.

Les relations, d’ailleurs, entre les deux parties du Nouveau Continent, sont devenues beaucoup plus étroites. Du domaine théorique et politique, la doctrine dite de Munroë, l’Amérique aux Américains, est entrée par la force des choses dans le domaine financier et industriel. « La guerre, disent les leaders aux États-Unis, nous a appris bien des choses dans l’ordre des faits économiques, et ce n’est pas la moindre de ses leçons que de nous avoir montré combien nos rivaux étaient solidement retranchés sur des terrains que nous croyions ouverts au premier venu. Nous avons vu la cessation des placemens européens dans le Sud-Amérique suivie d’un arrêt du progrès et d’une réduction du pouvoir d’achat de ces contrées. Nous avons compris que les prêts de l’Angleterre seule représentaient