Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résolus en Occident s’étaient posés dans toute leur intégrité. Et le problème s’était résolu par l’institution d’une échelle de classes et de races à laquelle correspondait une série de chartes dans les limites desquelles chacun possédait un droit.

En haut, le Roi, les princes feudataires, les barons vassaux. J’ai dit en combien de fiefs se morcelaient les quatre grandes seigneuries, puis les baronnies éminentes. Ces seigneurs n’étaient point tous de grande extraction. Plus d’un aventurier s’était, par un heureux coup de main, taillé une seigneurie, puis, accepté comme féal par le chef seigneur, avait transmis son fief à son fils, faisant souche de sires. Si bien qu’un seigneur franc, étant devenu roi ou tout au moins prince, sous lui le chevalier s’était fait baron et parfois le simple écuyer seigneur. Tous, entrés dans la grande hiérarchie féodale, bénéficiaient des droits que dictait l’Assise, mais en en acceptant les charges. J’ai dit ce qu’étaient les uns et les autres, si nettement formulés dans le livre de Jean d’Ibelin. Peu vivaient à la cour ; ayant bâti ces châteaux où je pense mener le lecteur, ils y menaient la vie guerrière et patriarcale au milieu de vassaux de toutes races.

Il y avait, nous le verrons, des châteaux sur les sommets du Liban ou des monts de Galilée ; il en était qui dominaient le golfe d’Alexandrette, les ports de la Méditerranée, les bords de la Mer-Morte ; la plupart surveillaient le désert inquiétant, se dressant sur les contreforts de l’Anti-Liban et du Hauran, face à l’Islam de l’Est et d’autres encore regardaient l’Egypte. Nos seigneurs ne sortaient guère de ces forteresses que pour aller battre la campagne ou bien porter leurs querelles devant la Haute Cour, — suivant les prescriptions de ses Assises. Ils y trouvaient leurs pairs. Car bientôt certaines familles s’étaient distinguées entre toutes. Elles étaient les piliers du royaume, fournissant au Roi ses conseillers, ses officiers, ses administrateurs : ils étaient chanceliers, connétables, maréchaux, maîtres des finances, juges supérieurs. A lire les chroniques de la Syrie, on voit que nulle part la noblesse ne s’était plus que là humanisée par la culture. Le vieux sire de Baruth dont parle Jean d’Ibelin (« mon vieil oncle, le Sire de Baruth ») était le type de ces seigneurs très civilisés : possesseur des fiefs d’Ibelin, d’Arsur, de Jaffa, de Ramleh, seigneur du port de Beyrouth (devenu Baruth), il cultivait les arts, et le droit. « Ce