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l’adhésion, et, par là, un arrêt royal se fait probablement accepter de Gaza à Alexandrette à une époque où les rois de France auraient grand’peine à faire agréer leur autorité de juge suprême au-delà des limites de leur domaine personnel.

Le Roi, par ailleurs, possède sans contrôle deux des plus précieux droits régaliens : il établit l’impôt et frappe la monnaie. On voit sans cesse le Roi créer ou abolir des impôts : ce sont droits de douane perçus à l’entrée des villes (la liste des objets frappés d’un droit à Saint-Jean d’Acre atteint le chiffre de 111), droits d’entrée sur les marchandises venant par mer et qu’on nommait la Chaîne, droits de transit acquittés par les caravanes entrant sur le Domaine royal qui faisait barrière entre l’Egypte et la Mésopotamie, fermes et monopoles, taille dont étaient frappés les indigènes, capitation payée par les sujets musulmans et juifs et enfin aides extraordinaires que le Roi exigeait dans les grandes circonstances des vassaux. Les produits en étaient centralisés dans la Secrète royale, le bailli de la Secrète jouant le rôle de ministre des Finances.

Que le Roi battit monnaie, les savantes études de M. Schlumberger seraient là pour en témoigner, si, par ailleurs, un texte formel des Assises n’affirmait même que, dans son domaine, c’était un droit exclusif : tout seigneur était « désérité » du droit de « labourer et batre monée » « por ce que nul home ne deit… fors le roi. » On a retrouvé des monnaies à l’effigie de tous les rois sauf, je crois, de Foulques Ier qui ne fut qu’une manière de prince consort. Elles portent généralement au revers une croix ou l’image d’un monument de la Ville sainte. Si les rois abandonnaient parfois à certains, — les Vénitiens de Saint-Jean d’Acre par exemple, — une partie de ce privilège, c’était moyennant un droit élevé qui tout à la fois enrichissait le trésor et sauvait le principe.

Enfin le Roi, protecteur de l’Eglise, après avoir d’abord paru son protégé (« serai ton féal aideor et défendeur, » disait-il au Patriarche lors du Sacre), se faisait payer sa protection par le droit d’intervenir dans l’élection des prélats. Ce droit est un de ceux que, si j’en juge par les chroniques, les souverains laissent le moins s’affaiblir. Partout s’affirme cette « seignorie en la élection dou patriarche » que proclame un contemporain à propos d’une de ces élections dès le début du XIIe siècle, et Guillaume de Tyr, — le plus célèbre chroniqueur et le plus