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transformé en une sorte de parlementarisme le régime étroitement oligarchique, mais, en fait, libéré sa couronne du contrôle étroit d’une poignée de hauts barons.


LE ROI AFFRANCHI

Dès lors, le roi de Jérusalem est souverain ; du pouvoir primitif qui lui a été accordé, il a gardé un trait : il est avant tout chef d’armée.

Les chroniqueurs insistent surtout sur cette qualité : Rei militaris multam habens sapientiam. (Ayant une grande science de la guerre.) Robert le Moine appelle le Roi : « le soldat des soldats, le chef des chefs. »

Tout d’abord, c’est lui qui, dans les grands périls ou en cas d’expéditions jugées nécessaires, convoque l’ost et le conduit. Dans les soixante premières années du royaume, les rois guerroient en conquérans ; ils ont presque toujours l’initiative des opérations. Non seulement ils arrondissent leur domaine, — Baudouin I conquérant Arsuf, Césarée, Saint-Jean d’Acre, Sidon et Beyrouth ; Baudouin II Tyr ; Foulques, Paneas ; Amaury, Ascalon, — mais ils tentent parfois, comme Baudouin I en 1115, Amaury en 1168, des incursions en Égypte. Et puis, de temps à autre, un retour offensif de l’Islam oblige à faire front, de l’invasion du calife de Bagdad en 1113 à celle de Saladin en 1187. Suppléé ou secondé par les hauts officiers, connétable, maréchal, sénéchal, le Roi reste le chef de l’armée.

Cette armée est composée de quatre élémens. Tout d’abord, l’élément féodal fourni par le service d’ost. A son appel, les vassaux de son domaine, au besoin les princes féaux, doivent amener leurs hommes dont le chiffre est réglé par le contrat féodal. Le domaine proprement dit donne au Roi 577 chevaliers, fournis par les fiefs nobles, 5 025 sergens entretenus par les églises et les villes. Le comté de Tripoli doit envoyer de son côté 100 chevaliers, la principauté d’Antioche le même nombre et le comté d’Edesse peut disposer de près de 500 lances.

Mais c’est là un élément qui ne rallie les enseignes du Roi qu’en cas de mobilisation et n’y reste que quelques semaines. Les rois ont essayé de se créer une petite armée permanente qui fût plus en leurs mains que l’armée féodale. Ils enrôlent, moyennant fortes payes, des archers italiens et retiennent